Union de 2 illustres activistes du champ alternatif français (Manu Bouret et Mr. Marcaille), Manu & the Bourets chante le déliquescence sociale et sociétale en faisant tanguer sa barque, délirante, entre no-wave, post-punk, électroclash et absurde qui dit des choses qui ne le sont pas. Son Je reviendrai où planent le verbe et les guitares crues d’un Béru, avec ses huit morceaux plutôt offensifs, que Flash info inaugure sur fond de synthés déglingués et motifs trépidants, est valable. Le propos génère l’anxiété mais il fait valser son homme et comme dit plus haut, s’avère ne pas être si décalé. L’amorce est brève, tels…ces flash-infos qui, en quelques mots, sèment angoisse et inquiétude. On ralentit (la cadence) quand arrive La paix et son énumération de méfaits. Un morceau glaçant, qui illustre bien le style Manu & the Bourets; froid, synthétique, anormal, voué à une certaine forme de morbidité…jubilatoire. Et on l’aimera, ce registre peu commun, car il force l’écoute et séduit par ses « ingrédients ». Et puis il rappelle tellement la scène alterno d’antan (La guerre à Pépé) que forcément, il en émane une belle nostalgie. Il fait du bien, ce disque, quand il gueule et ironise, quand il dénonce et défonce. L’énergie punk-indé du morceau, pénétrante, offre un support puissant et minimal, efficace, au verbe de la paire qui chante la guerre.
Jean-Michel Survivaliste, du chaos au désordre, percute dans cette veine du passé dont on se rend compte, au final, qu’elle sonne encore très actuel et dépeint fidèlement la posture du monde. Court, il est ainsi plus cinglant encore. Je les adore, ces riffs basiques qui appuient le discours proféré par les 2 hommes. Je t’explique leur fait honneur, l’écrin est idéal car sans détours à l’instar des textes. Pendant ce temps là, Brutus se barre. Comme nos dirigeants. Il se défile, apeuré, surement, par le ton goguenard de Manu & the Bourets.
Celui-ci n’en a cure, il poursuit sur sa lancée et Enola gay, saccadé, marie Ludwig (von 2020?) et les VRP. Ces derniers n’ont plus rien à vendre, l’époque est âpre. Mais ils pourront profiter d’un disque pas si uniforme qu’il y paraît, qui nous joue un air de synth-punk dansable et groove avec Trance apocalypse. On va tous mourir, annonce le titre. Un jour ou l’autre oui, pour l’instant on s’enfile le son et ça, ça repousse l’échéance. J’ai plaisir à le faire tourner, ce vinyl affublé d’un bunker aux airs de refuge lui aussi en phase avec l’état actuel de notre société. Lui aussi est un « abri », un échappatoire, dans la déconnade doublée d’acuité, à tout ce bazar. Des milliers de morts, des lendemains difficiles. Etes-vous réellement prêts..pour que tout ça PETE??? Les questions posées sont pertinentes et derrière, l’électro du combo s’en amuse, ancrée dans la danse.
Parce que oui, c’est le bordel mais le son, on ne nous l’enlèvera pas. Et nos grandes gamelles, on pourra toujours les ouvrir. En grand, pour beugler notre rancoeur. Manu & the Bourets soulage, son Haiku final sonne comme un dernier coup de semonce noise à l’adresse des troupes. C’est bien dans les mots dérangeants et clairvoyants qu’on trouve le plaisir et en ce sens, Manu Bouret et Mr. Marcaille nous en mettent une large tranche, dopée à la dérision et douchée à la lucidité. Addictif!