Duo féminin de Chicago composé de Sima Cunningham et Macie Stewart, Ohmme sort son nouvel album, suite notamment à son Parts datant d’août 2018. L’objet, beau et surtout recommandable de bout en bout, voit le jour chez Joyful Noise Recordings et ses précommandes sont déjà lancées. Il ne serait guère étonnant qu’elles soient massives, l’opus offrant un rock indé à la féminité bienvenue, qui frappe fort et juste d’emblée. Flood your gut, en effet, livrant un rock façon PJ Harvey dans ses moments les plus mordants. Griffu et servi par la dualité des chants, il s’agit d’un début idéal, aussi avenant qu’acéré. Ca dissonne, dans le même mouvement les mélodies restent droites et attirantes. Lancé de belle manière, le disque insiste sur cette voie aride, Selling candy jouant des notes à cran et soufflant une énergie brute, tempérée par ces organes qui atténuent quelque peu l’orage sonore du morceau.
Du tout bon, donc, pour inaugurer la nouvelle livraison. Du rock caractériel, bruyant et sans détours. Ghost, qui suit, tutoyant même la valeur des Kills en mariant rock et électro, sur fond de basses jouissives et de groove dansable jusqu’à l’épuisement. Avec en bonus, dans sa besace, le refrain qui fera chanter dames et messieurs. On joue des sons ingénieux, qui solidifient une amorce bien campée. Un peu plus loin, The limit présente une facette pop paisible mais tout de même acidulée.
Fruit d’années passées sur la route, et donc les planches, avec Wilco, Twin Peaks, Iron & Wine et une flopée d’autres, Fantasize your ghost s’annonce sous les meilleurs auspices. Frais et revigorant, rock et pop, bruissant et entêtant quand ses sonorités pointent à intervalles rapprochés (le saccadé Spell it out, noisy et joli), il jouit de plus d’une cohérence évidente dans ses atours ouverts.
On en arrive ainsi à une première moitié profitable, dans l’unité d’une paire soudée par son parcours et bon nombre de sorties complètes. Twitch, dans une électro-pop modérée, calme un peu le jeu. C’est, ici, le climat qui fait la différence. Entre ses atmosphères sur lesquelles l’oreille s’attardera et d’autres temps plus fougueux, Ohmme s’impose. Il démontre son adresse à attacher le rude, le déviant, le sonique et le magnifique sur, par exemple, un 3 2 4 3 multiformes. C’est encore à PJ Harvey que je pense, pour le coup, à l’écoute de ce rock large et vrai. Entre un Dry et un To bring you my love, pour situer le tout de manière approximative. Car il ressort de tout ça que Ohmme, confirmé, chasse dans ses propres bois. Le bien nommé Some kind of calm le voit d’ailleurs déposer momentanément les armes, suivant une trame adoucie. Un moment de pure sensibilité, cohérent, dans un ensemble globalement remuant. Un brin expérimental également, mais en posant des jalons qui permettent tout de même l’accessibilité.
Sturgeon moon, dérangé dès ses premières secondes, erre ainsi vers un genre entre rock et électro, traits cold et soubresauts hésitants. Sûrement le morceau le plus déviant du lot, qu’After all termine dans un jet pop gracieux gentiment syncopé, qui prend fin dans un horizon dégagé. Si Ohmme, au fil de Fantasize your ghost, perd légèrement en fougue, il demeure pertinent et signe un album de belle facture, où mélodies et écorchures cohabitent en suivant, de temps à autre, des voies détournées bien imaginées.