En phase avec le label My Dear Recordings, dirigé par la très indé et « très musicienne » Pamela Hute, Léon Rousseau & the Divine Siblings sort son nouvel EP, réalisé « at home with his kids ». Il y parle, presque avec légèreté mais en faisant, aussi, grincer les cordes (The end of the world), de…fin du monde. The Flood, le disque ainsi conçu, nous inonde de morceaux (6 au total) entre pureté des chants (notre homme est visiblement bien accompagné) sur l’introductif Shades of green, instants de débauche et esprit DIY affirmé. Il n’y a qu’à constater, pour cela, les conditions dans lesquelles The Flood a vu le jour. Dans sa beauté, dans ses entrelacs vocaux (cet organe féminin délicieux sur l’entrée en matière) resplendissants, en famille et dans le brio, Rousseau place des sons plus canailles, débute en suivant un rythme lascif. Il dessine des contours sonores intelligents, à l’intense retenue. J’aime quand, au mitan de cheminements apparemment déliés, il rugit et dévie. Il n’est d’ailleurs pas sensé chanter la joie, au vu du titre donné. Logique, dès lors, que son ouvrage se pare d’une certaine grisaille et d’une rudesse éparse. L’amorce est un régal, on ne s’arrêtera pas en si bon chemin et Johatsu, doublé de chants d’oiseaux -si je ne m’abuse- qui font du bien, renvoie un tissage folk-indé du plus bel effet. L’union des voix suinte la joliesse, validant sans tarder un essai brillant. Il est appréciable, au temps des productions aseptisées, de renouer avec du selfmade intègre et chatoyant, sans pour autant manquer de caractère.
Les sons et rythmes, dans l’accord le plus total, émerveillent. Halo aigre-doux, The Flood nous douche de ses climats, ombragés et electroïdes sur The canary in the mine. Un morceau lo-fi, caressant, planté en pleine nature. Le titre est bref mais loin d’être vain; en à peine deux minutes, la troupe nous berce et nous soigne l’âme. Ca fait le plus grand bien, ça file l’envie d’aller s’allonger dans l’herbe fraîchement coupée, de s’abandonner aux bruits harmonieux « tambouillés » par la famille.
Plus loin, Babyboomers et sa pop-folk aiguisée, aux sons de décor prenants, étend le charme d’un opus savoureux. Lequel, souvent, recourt sans rougir à des encarts dépolis et fait émerger une musicalité de tous les instants. Des riffs durs colorent et hérissent l’effort, couplés à des claviers à la belle ouvrage. Heavy luck, serein, associe chants, toujours dans la splendeur et la sensibilité, et atmosphère aérienne. Difficile, casque sur la trogne, de ne pas succomber. Le dimanche, même confiné, sera beau. Idaho, ultime rayon solaire folk dénudé, réduit à la formule chant/banjo (sauf erreur de ma part), conclut en mode « troubadour » et avec grand mérite une narration de fin du monde qui donne avant tout l’envie de vivre et de chanter.
Bienfaisant, le projet mérite à l’évidence d’être poussé plus loin. Pour l’heure, il nous laisse six plages de choix, charmeuses et cuivrées à l’occasion, faites de colère rentrée et d’une ouate sonore dans laquelle on aimera à se lover.