Jeune homme aux 12 000 projets donc aucun ne sonne creux ou insignifiant, sans cesse affairé à créer et défricher, Mario D. nous gratifie d’un EP « solo » où, contrairement à ce qu’il met en place avec ses autres combos (Last Night We Killed Pineapple, Pierre et le Lou ou encore Spooky Island, excusez du peu!), il assure tout. Comme un grand que peut-être un jour, et ça ne serait que mérité, il deviendra. Pour l’heure, il y a de quoi se satisfaire dans ses travaux « d’autiste groupal » de la musique et Bienvenue sur mon nuage, l’objet en question, fera qu’à son terme, on n’en descendra qu’avec peine. Je parle du nuage, bien entendu. De ce son rêveur, de ces paroles imaginées, imaginatives. De ces climats amicalement cold, légers et porteurs, qui bordent un disque inspiré. Lequel débute, magnifiquement, avec des sons à la We Have Band qui directement font l’amour aux sens (Coupe-moi la tête). Entre mots pensés, qui font tripper le cortex, et déviance verbale amusante, l’amienois se distingue aussi textuellement.
On sent le tourment, perceptible. Mais le jeunot, ici, en fait quelque chose et quelque part, le relègue au second plan. Rien de tel que le son, la création, pour évacuer. Le sac se vide et sur son nuage, Mario D. est à l’abri. Il en tire profit pour, de ses ritournelles qui plairont même aux demoiselles, contempler les hirondelles, le temps d’un rêve exutoire. Ce titre inaugural, léger et pris dans le songe, capture déjà la pensée tout en la lassant dériver. Mario D. ne loupe pas l’amorce, il la loope plutôt et son savoir faire est ici étalé au grand jour. On adhère, la ville est « anyway » truffé de clans sonores valables, sur lesquels il importe de mettre l’accent. Il en est, vous l’aurez compris.
Les jours me mangent, avec ses basses et synthés cold (j’entends, dans ces élans synthétiques, certaines phases des 80’s), transforme l’essai. Je décèle, en tendant l’oreille, des sons qui me renvoient à Kim Ki O, duo de Turques entendu à la GAM de Creil il y a un certain temps. La longue plage instrumentale de l’effort, ses gimmicks simples et accrocheurs, enfantent des paroles au défaitisme qu’une fois encore, le son ingénieux envoie dans le ravin. L’allégorie du rendu est, paradoxalement, source de joie, de félicité sonique. Un antidote -peut-être est-ce de cette façon que notre ami perçoit la « zik »- aux contours enchanteurs, thérapeutiques, entre chanson à (con)texte et aspirations cold (c’est une constante chez lui) à la finesse estimable. Les jours le mangent, donc, mais ils ne boufferont pas son inspiration. Ils l’exacerbent, même. Au point qu’on se demandera si ce n’est pas dans la « grisaille » -remember les Cobain et autres Curtis, pour faire court- que résident les plus belles oeuvres.
Alors..Bienvenue sur mon nuage, invite t-il à coups de basse façon Simon Gallup et de nappes crépusculaires, comme au sortir d’un sommeil troublé. Ou de l’absence de sommeil. Reviennent sur le devant, aussi, ces sons électro froids à la Tristesse Contemporaine. Les influences sont digérées, assimilées. Ce sont ses atouts propres que le Picard utilise ici, mis au service d’un disque appelé à sortir chez 1 EP par jour Records, label habile dans l’art de dénicher du frenchie de choix. On renoue également, régulièrement, avec la finesse…cold, cela va de soi, d’un Motorama. Assemblés, ces éléments forment un tout imprenable. Je ne sais pas, obsessionnel dans le chant, renvoie à son tour sa triste humeur, mise en son avec brio. Avec Brio par Mario, belle rime, que les poissons mangent à l’instar des jours. Les poissons me mangent, donc, synth-wave vivace et désenchantée, saccadée, enrobée avec autant de prestance que sur l’ep en entier. Entier comme son auteur qu’on voit déambuler, errant, sur le bien joli clip du titre Les jours me mangent.
On le croit perdu, « et tout se pète la gueule » mais non, loin s’en faut. Il lui reste, il nous reste, la sphère du son. Cette bulle où il fait bon…buller, inventer et s’échapper et qui, quand elle éclate comme une bulle de savon, car elle est fragile bien que sécure, laisse choir des ouvrages addictifs comme l’est l’ep décrit ici. Soulignons pour conclure que Bienvenue sur mon nuage, perché (logique) et doté d’airs de reviens-y prononcés, n’est pas la seule ébauche de Mario D. D’autres, dignes elles aussi d’écoutes en série, honorent le bonhomme et mettent des coups de fouet à la morosité, tout en dévoilant un artiste aux vertus multiples. Comme, par extension, l’ensemble du microcosme de groupes amienois.