L’homme aux mille projets, auteur d’un somptueux et fiévreux The Sick Rose prévu le 26 juin aux Editions Miliani, répond en toute modestie aux questions de Muzzart….
1) J’avoue me passionner pour ton œuvre, plurielle et intime, rêche et douce. Qu’est-ce qui fait cette diversité?
– Merci ! J’ai énormément de musique en tête. Je ne sais pas si je m’ennuie mais j’aime travailler sur plusieurs projets en même temps ; comme s’il y avait en moi un flux incessant de sons, de musique, d’idées. Et naturellement, des sensations aux apparences antinomiques me traversent l’esprit, en permanence. Alors je diversifie mes projets, qui pourraient presque correspondre chacun à une sensation différente (White Heat, UFO Drones, albums instrumentaux, musique de théâtre, musique de court métrage, film…). Et Butch McKoy est mon double musical.
2) Tu évolues aussi bien seul qu’en duo ou solo. Comment différencies-tu ces formules et quel est l’apport de chacune d’entre elles ?
– Quand je suis seul, en solo, il y a un aspect intime, une manière différente d’aller chercher l’auditeur, le spectateur, même si parfois je joue les morceaux avec plusieurs configurations. En solo, il y a un côté « les yeux dans les yeux ».
En duo, trio… il y a un partage sur la scène, en studio; c’est un échange avec l’autre, les autres musiciens. Puis on le partage avec le public. Par contre, dans tous les cas je cherche la transcendance, pouvoir emmener l’auditeur et moi-même ailleurs l’espace d’un instant, dans une forme de méditation. Et chaque chanson a sa propre vie.
3) L’émotion, sous toutes ses formes, perle à l’écoute de tes disques. Est-ce là la source, l’essence de tes créations ?
Je crois que l’émotion, c’est ce qui m’anime. Cela peut paraître un peu idiot comme formule. Je me sens entièrement habité par des émotions, en permanence. Et j’aime leur contraste. Donc oui, c’est un peu comme le ciment de mes créations ; je m‘en sers, les modèle, les transpose dans mon univers musical et dans mes textes.
4) Penchons-nous sur The Sick Rose, ton nouvel album à paraître le 26 juin chez Les Editions Miliani/Bruit Blanc. Son titre n’indiquerait-il pas, ce qui infirmerait mon impression, l’idée d’un monde « beau mais malade » ?
Alors, c’est assez paradoxal (le disque ayant été fini bien avant la crise sanitaire), car vu notre époque, c’est effectivement ça. Il y a des choses, des lieux, des êtres beaux, exceptionnels et à côté, il y a des réactions, des attitudes malades voire monstrueuses.
Et le poème somptueux de William Blake « The sick rose », montre cette expérience humaine, une innocence non polluée, et pourtant il y a une asymétrie, une irrégularité des mots… Donc oui le monde est beau, mais malade. Non ?
5) A l’écoute de The Sick Rose, fiévreux, je pense immédiatement à Wovenhand, à l’émotion brute et ardente d’un David Eugene Edwards. Est-ce pour toi une influence « déclarée » ?
– Alors, oui ! Il fait partie des influences et j’ai d’ailleurs ouvert pour lui en solo au Divan du Monde il y a quelques années. J’ai beaucoup d’autres influences voire des « maîtres » comme Nick Cave, Bruce Lamont, Thurston Moore, Syd Barrett, William Blake, Emily Dickinson, Philipp K Dick…
Cependant, je ne me pose pas trop de questions. Comme beaucoup d’artistes je fais la musique que j’ai envie d’écouter… en fait.
6) Comment The Sick Rose est-il né ? Il marque un retour à un rock brut et intense ; tu avais envie de ça, avant toute chose, au moment de penser ce disque ?
– Le commencement a été comme pour tous les autres disques. Une suite de morceaux qui sont nés d’improvisations guitare/voix. Je me sentais attiré par les textes de William Blake que je lisais lors de l’une des tournées de Lucrèce Borgia. Après avoir maquetté pas mal de morceaux, je ne voyais pas d’arrangements folk song. Et comme avec Lionel Naudon (ex Lab°) on avait commencé à jouer et arranger les anciens morceaux pour le live, je l’ai appelé pour lui proposer de faire l’album avec moi. Comme on est tous les deux multi-instrumentalistes (avec chacun ses spécificités), et qu’on s’entend très bien, on a trouvé une vraie harmonie.
Cela nous a permis d’être très créatifs et d’apporter beaucoup d’arrangements sans perdre le côté intime. Et surtout… je voulais de la batterie sur l’album, amener un peu la puissance de la scène sur l’album. Du coup le son général est devenu un peu plus brut et intense que sur les autres opus.
7) J’ai le souvenir d’une date à la Briqueterie, à Amiens, en mai 2012. Un set, dans mes souvenirs, dénudé, vrai, sans artifices. Le live est de toute évidence ton terrain de « jeu » de prédilection, non ?
– C’est marrant que tu parles de cette date, c’est celle qui m’a permis de travailler avec David Bobée (CDN Normandie-Rouen) sur deux pièces: « Lucrèce Borgia » et « Peer Gynt » dont j’ai composé et interprété sur scène la musique. Il va vraiment falloir que je retourne jouer à la Briqueterie !
OUI ! J’aime jouer. Je suis bien sur scène… c’est assez naturel pour moi. Je suis assez fan de Bonnie Prince Billy ou de John Lee Hooker ; ce sont des artistes qui peuvent ou pouvaient jouer et tenir une scène juste avec un micro et une guitare ! J’aime beaucoup ça. Sans être totalement minimaliste et en même temps en dégageant suffisamment d’émotion et de puissance pour captiver le public. C’est ce que je cherche à faire.
8) Comment vis-tu cette période de confinement ? T’amène-t-elle à repenser ta façon d’aborder la musique ?
– Alors non, cela ne m’amène pas à repenser ma façon d’aborder la musique. C’est un processus plutôt instinctif chez moi. En revanche, repenser la façon dont tourne le monde oui…
Ceci dit je n’ai jamais eu autant de temps pour faire et refaire, composer et recomposer pour arranger et réarranger… sans tourner en rond !