Fondateur, avec d’autres, du Tsapiky, basé sur la guitare et consistant à faire monter l’auditoire en tension jusqu’à la transe, à la seule force de son jeu et de sa créativité, Damily a quitté le secteur Malgache au début des années 2000. Son style a cependant été repris par bon nombre de jeunes musiciens et aujourd’hui, 6 extraits de 4 ses albums, enregistrés entre 1996 et 2002 à Madagascar, sont compilés par Les Disques Bongo Joe. Il s’agit de ses premiers enregistrements, le recueil s’intitule EARLY YEARS • MADAGASCAR CASSETTES ARCHIVES et dévoile une dextérité, un groove insulaire pouvant amener, en effet, jusqu’à un état second du fait de son énergie, de ses notes et rythmes vifs couplés à des chants qui, forcément, dépayseront les hexagonaux que nous sommes. L’énergie est folle, Zaho va nous arrache du tarmac et nous emmène sans tarder sur les terres du maître, où l’on entre dans une irrésistible sarabande. Les voix ont du coffre, du caractère. L’instrumentation, virevoltante, emprunte entre autres au blues mais ne ressemble à aucune autre. Elle provient du sud de Madagascar, bouillonne au son d’instruments bricolés, trépidants, et honore parfaitement l’homme aux 30 ans de carrière qui ont laissé, et continuent à imprimer, des traces profondes. Les intervenants changent au gré des morceaux mais le son, lui, conserve son impact.
Mangebakebake, coloré, confirme la sensation de voyage, l’identité, aussi, d’un son régional qui mériterait d’être connu, et reconnu, à l’international. Un peu comme comme chez Songhoy Blues actuellement, ou chez Delgres, on invente avec brio. La durée plutôt étendue des 6 plages, en outre, permet à la musique de pénétrer les esprits. Mipay havelo, après une amorce prolongé, marie les chants. Le Tsapiky from Tuléar (Madagascar, on se plaît à le rappeler) unit finesse et vigueur porteuse. On ressent presque, à l’écoute, la métamorphose spirituelle qui accompagne l’ouvrage. Le disque n’inclut que 6 morceaux en tout et pourtant, il possédera n’importe quel auditeur investi dans son contenu.
Nul besoin, c’est une évidence lorsque défilent les titres, de déployer tout un arsenal pour marquer le quidam. Ici, on joue comme on vit: avec générosité et de peu, on fait beaucoup. Tuléar, comme pour rendre hommage à l’origine du genre, carillonne, laisse libre cours à des vocaux vindicatifs. Le jeu est entraînant au possible, il nous arrive par boucles obnubilantes de par leur réitération. Une forme d’ivresse sensorielle guette au détour des chansons, pas seulement jouées mais aussi vécues, dans l’intensité, par leurs interprètes. Nahoda pamelon anake, batterie aux contours tribaux en tête, ne peut générer l’ennui. Il renvoie, à l’image du reste, un cachet affirmé et des effluves d’ailleurs, incoercibles.
En fin de parcours, O Kaka nous gardera captifs; l’énergie ne retombe pas, la dansabilité d’une mixture sans équivalent fait mouche. Le Tsapiky mis en avant sur ces archives tirées de…cassettes, il ne pouvait en être autrement, musical en diable, a le mérite d’une part de redonner vie à un registre daté mais singulier et toujours à la page. Et, d’autre part, de permettre une découverte à part, éloignée des standards habituels et par conséquent d’autant plus marquante.