La seule et unique fois où j’ai pu voir Grand Guru, c’était au 106 de Rouen. Lors d’une 106 Expérience comme à chaque fois révélatrice de talents locaux placés, pour le coup, sur le devant de la scène. Assez brute et significative pour m’attirer durablement dans son univers écorché, l’artiste basé à la fois à Rouen, donc, et Brighton (UK) sort son 15812ème support, la série ayant été initialement lancée par son First shots (mars 2011). L’oeuvre est vaste, il s’agit de plus d’une judicieuse ressortie de garagepunk2999, paru à la base en K7, en LP. Plusieurs structures « plus indé tu meurs » s’associent pour l’occasion et la galette profite de 2 inédits: debw_2999 et dts_2999. C’est parti for the tea, Password lance la première poignée d’acide sulfurique, en torpille garage-indus un brin post-punk qui, déjà, déblaye sévère. C’est cold et torturé, parfait à vrai dire. Le gaillard, en plus, a la bonne idée de varier les plaisirs, faisant de son LP un fourre-tout génial en phase avec les humeurs les plus sombres. Thank U Mam, débit hip-hop m’évoquant One Inch Punch, en plus bruitiste toutefois, se fait à son tour valoir. Mais avec, derrière ça, des atours plus subtils, eux aussi superbement exécutés. Ainsi MD eyez, lancinant, explore t-il des terres à la fois écorchées, saccadées et enjôleuses, du plus bel effet. Grand Guru y crache sa bile, la lenteur du titre est par ailleurs un bel atout: il pénètre le cortex, en paralyse le contrôle inhibiteur. On n’est pas dans la musique saine et c’est pour ça qu’on y reste; debw_2999, premier « unreleased » des 2 offerts, bazarde tout en filant…pas droit, sur un ton indus saignant et cadencé.
On relève, en sus, l’excellence des motifs. Et la sensibilité d’ Action, folk/lo-fi à nu, qui apaise le feu d’un musicien inspiré. L’électricité, mesurée, s’invite toutefois à ce magnifique « track ». Cancer eater, juste après, résulte d’une cuvée similaire. Fin, enfanté dans un désenchantement lo-fi de toute beauté, il souligne le côté épuré d’un Grand Guru aux qualités persistantes. Puis arrive dts_2999, 2ème inédit tumultueux et allongé (plus de 6 minutes au compteur), indus joué depuis le fond de la remise. Les sons, encore une fois, font foi.
C’est bien bon, les guitares y déversent leurs fiel. Les boucles shootent l’esprit, on perd pied. C’est ce pourquoi on l’écoute, notre « GG ». Il nous trimbale dans un dédale où l’errance génère des bienfaits. Such a metaphor, flou et psyché, développe une trame âpre. Il s’emballe, s’emporte. Vice et son cru, sans tricherie, créditent l’auteur d’un disque amené, ici et là, à être joué fort car exempt de faiblesses. Si ce n’est celle de l’âme, exorcisée ici à grand renfort de morceaux atypiques. Half a semi pro, l’avant-dernier de la série, en est. Grungy, cinglé dans le chant (Butthole Surfers dans l’crâne), il enfonce l’enclume. Les six cordes y servent des plans lestes et vrombissants, elles achèvent de ce fait tout récalcitrant au répertoire sans espoir (quoique..) de Grand Guru. Half a semi pro, en somme, mais en réalité il mérite bien des égards…
Papa Brought Me A Guitar, au bout de l’aventure sonique, pose son rythme haché, sa voix éraflée et triturée, sur plus de 7 minutes dingues. Comme une flanquée d’autres titres, il dévie, met en son une douleur, des plaies encore vives, de manière magistrale. garagepunk2999 est un must du (ou des genres), bardé de folie et de bruits dérangés, anormaux, malsains et captivants, à ingurgiter à grandes lampées.