Un live de La Jungle? C’est…La Jungle. C’est dense et intense, c’est la transe. J’en veux pour preuve leur prestation au Celebration Days Fetival de l’été dernier, ou les 2 comparses du plat pays ont complètement retourné l’assistance. Un dimanche soir de foire et d’espoir, et maintenant ce live capté à 2 endroits différents; le Périscope (Lyon), en février 2019, et Dour (Belgique) en juillet de la même année. S’il est évidemment difficile de retranscrire, sur sillon, l’impact de la paire, force est de constater que Coucou? Beuh! y parvient. Il prend ses marques, ou plutôt décolle d’emblée, sur Ape in the python dont la technoise te chope et te fait des caresses en même temps, cadence assénée et motifs répétés comme armes de guerre scénique favorites. Doté d’un arsenal sonore fourni, de morceaux-choc transcendés par le live, La Jungle te b++++ le crâne en réitérant, sur ce titre d’amorce, les sons dont il a le secret. Ca prend de suite, les fulgurances noise des deux bonshommes, bruitistes (j’y entends, quand les guitares dérapent, Sonic Youth; ils infirmeront ou confirmeront mais le fait est qu’à l’écoute, on se caresse les gougouttes de joie), font que l’auditeur, et plus encore le spectateur, s’agitent sans réel contrôle. La gestuelle devient folle, les sons entrent en notre possession. C’est pas du délire, je l’ai vécu. Alors tu penses bien que ce Coucou? Beuh!, j’en pousse le volume bien haut. Sur plus de 9 minutes psychoactives, Ape in the python nous plonge dans la fournaise (admirez, au passage, ma verve). Puis la cascade L’enfer, paradisiaque, nous coule sur la trogne. Batterie assénée, guitares aux coulées de lave rougeoyante, épilepsie sonore. Et puis, comme toujours, des sons de bâtard. Excusez-moi l’expression mais il me fallait des termes qui illustrent au mieux la frénésie, la dextérité de La Jungle.
C’est le feu, Helizona l’attise en vrombissant. Kraut, noise, techno, c’est La Jungle stylistique, le liberté de ton qui permet au groupe, sur l’espace scénique, de donner corps à des titres déjà hautement estimables. Ici, la batterie annonce l’embardée et bim!, nous voilà à marcher sur la planète, cosmique et remuante, bruyante et céleste, La Jungle. On y est à l’aise mais pas tranquille; on s’y fait bouger. D’un break tapageur, on repart ensuite vers une suite de sonorités sorties du ciel, qui tamponnent grave. Technically you’re dead, ah bah c’est sûr Arthur! C’est une vraie biture sonique, on a la sensation d’y être et j’entrevois presque à nouveau la scène de Cernoy, lors du festival cité plus haut, cernée de toutes parts, ployer sous les assauts du duo. Qui, sans plier et sans s’arrêter, balance ensuite comme un tank de scène son Blood watermelon. Dix minutes de félicité, tu trépanes mais t’as jamais été aussi vivant. Les sons, une fois de plus, sortent de cerveaux productifs, déferlent en se mettant au service de morceaux étirés, hypnotiques dans leur énergie dévastatrice.
Psychédéliquement noise, taré dans ses choix et cheminements, La Jungle envoûte. Physique et spirituel, charnel et direct, nuancé et pensé, son live est dopant. Hahehiho, qui lance la série captée à Dour, envoie du lourd. Les voix y dévient, l’orage est discontinu. Jim et Roxie, en quête de différence, ne conçoivent pas de rejouer leurs titres à l’identique. C’est la meilleure option possible; ainsi, il nous conquièrent sur disque comme en live. Exag’ Records peut se frotter les mains; cette sortie est phénoménale.
Une grosse zébrure jalonne la fin du morceau, à l’issue c’est And the serf caresses the head of the lord qui part à l’offensive. Papapapapaaa, papapa, papapaaaa, j’en chante les sons. Soubresauts dingues, fatras noisy, puis course krautnoise effrénée. Voix cinglées, spatiales et colériques. Seul l’absent résistera, c’est un laminage en règle. On n’hésite pas à bifurquer, à changer de vitesse. Le bolide est lancé, il roule parfois sur les jantes mais jamais ne plante. Hyperitual, allusion à Frank Black en sus, scande et rue. Entre le vrai et le samplé, la folie créatrice de La Jungle, son style qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, frappent fort. C’est physique, précis et débridé de façon simultanée. OK but this is not a parachute, préviennent t-ils. Il va pourtant falloir l’endosser; la chute, ici, est vertigineuse. Nous parlions, en interview, de Marvin. Il y a effectivement du Marvin dans La Jungle et l’allusion est loin d’être réductrice. Quelques cris et sons plus loin, on atterrit. Broyé, malaxé. Rincé. Heureux.
On en réclame, même. Iltapealaidedos, sons de basse génial en son début, s’élève. Spatial certes, mais aussi « traçant », c’est une fusée lancée dans la galaxie. Le sentier est syncopé, la route aussi sinueuse que directe. Elle mène, c’est indéniable, à une certaine idée de la plénitude sensorielle. C’est alors The knight the doom, dernière vidéo en date des deux hommes, qui finit ce live magistral. Ses sonorités trônent bien haut, sa noise massive et trépidante fait triompher un combo délibérément déphasé, génial et performant au possible. Coucou? Beuh! est une tuerie intégrale et sachez que la surprise guette encore puisque outre ce disque magique, La Jungle nous gratifie de ressorties pas moins notoires, à découvrir via les liens ci-dessous.