Jalon essentiel du parcours d’un Rowland S.Howard ayant transité, s’il faut encore le rappeler, par The Birthday Party, Crime & the City Solution, Lydia Lunch et Nikki Sudden (pour faire très court), Teenage Snuff Film a vu le jour en 1999. Devenu rare voire introuvable, il est aujourd’hui réédité par Fat Possum Records. On ne réprouvera pas l’idée, elle est excellente et c’est un plaisir total que de se replonger dans l’oeuvre de l’Australien aux 5 vies. Pluriel dans ses ambiances, l’opus débute par un Dead radio lancinant, retenu, qui plante le décor d’emblée. Racé et déjà, en fond, vénéneux, il illustre la facette « bridée », sous-tendue, de l’artiste. Breakdown suit, dans cette même veine acidulée mais mesurée, d’un rock bluesy sulfureux. La voix de velours, sombre et grave, fait le reste. On a droit, sur ce titre, à des excès dont les guitares tiennent les rênes. Style et déjante pour le coup encore tenue président. Le She cried des Shangri-Las, nerveux, ne dénote pas. On est alors dans une atmosphère rentrée, d’une certaine force et d’une belle écorce.
On pense à Nick Cave, ensuite et de façon logique, quand se présente I burnt your clothes. On y passe d’instants feutrés, distingués, à des passages aux allures d’orage. Exit everything suit, plus directement post-punk, porté par une basse rondelette. Le climat est ouvertement rugueux, frontal. Ici aussi, Rowland S.Howard sait faire. Cordes et orgues zébrent le morceau, l’enjolivent pendant que les guitares et la rythmique, débridées, le lacèrent. C’est du grand oeuvre. Il faut dire que la légende est en l’occurrence bien entourée; entre Mick Harvey, Steve Boyle, Brian Hoopper et une clique de « strings » pas piquée des vers, il y a de quoi faire. Le morceau est de plus étendu, il délaisse sur sa fin ses côtés colériques pour renouer avec des atours modérés.
Ceux-ci prévalent sur Silver chain, calme mais doté de griffures guitaristiques estimables. Howard y dépose sa soie vocale stylée, qui se pare d’élans faussement tranquilles. Ferveur et mélodies, sur ce Teenage Snuff Film, font bon ménage. White wedding, de Billy Idol, arrive après cela. Dans ses reprises, l’homme fait preuve de goût autant que sur son disque, il démontre une constante dextérité. Le contraire eut étonné et à l’écoute, on a déjà le désir de se replonger dans tout ce que le le bonhomme a pu entreprendre, mais aussi dans ce à quoi il a contribué. La déception est très rarement au rendez-vous. Undone, incandescent, rageur dans le chant, charpente son opus jusqu’à complètement en asseoir la teneur. On remarquera, à nouveau, la beauté et l’exaltation de l’instrumentation.
On se régale, c’est en outre Lindsay Gravina, productrice de l’album originel, qui l’a pour le coup remastérisé. Il ressort dans un double vinyl magnifique, qui suscitera à coup sûr et dans le même élan achats fiévreux et jalouse convoitise. Autoluminescent, sensible, caresse d’ailleurs l’oreille et place au premier plan la délicatesse d’un artiste à la carrière non seulement fournie, mais aussi riche en sorties de qualité supérieure. Comme l’est Sleep alone, dernière fournée d’un disque référence, aux guitares hurlantes et noisy, au fracas bruitiste à la Sonic Youth. Le tout sur plus de 7 minutes, avec en guise de terminaison une souillure digne, justement de Thurston Moore and Co. Mythique.