Projet de Michelle Doyle, basée à Dublin, Rising Damp mêle sons cold, climats oppressants, samples et EBM, touches goth et…touche personnelle surtout, sur ce Petrol Factory dont les chansons étaient destinées, avant l’effet Covid 19, à un « live band » avec Sarah Grimes à la batterie et Ivan Pawle à la guitare, au chant et aux synthés. Si les 2 comparses devront faire preuve de patience, il n’en reste pas moins que l’Irlandaise leur a préparé un opus de choix, inauguré par le post-punk secoué d’ In blue, où les samples amènent en surplus un côté indus. Doyle « colore » l’ensemble de sa voix insoumise, le rythme est marqué. D’emblée, Rising Damp se démarque et nous pousse à quitter nos marques. Pour nous emmener en terres cold (Innovation) où la voix, cette fois, se fait plus « douce ». Des basses caverneuses s’invitent, on est pour le coup en eaux cold-wave typiques. Rising Damp, muni de sons qu’on retient, les réitère à l’envi.
Le procédé crée une forme d’obsession, de dépendance à un répertoire souterrain, bien loin de faire de l’oeil à la frange commerciale. Au contraire, on s’évertue sur Petrol factory à pénétrer des territoires expérimentaux, tel celui qu’investit The bank. Long de plus de 20 minutes, le morceau dégage un genre hybride, entre percus insistantes, voix samplée en va et vient, bruits loufoques et changements de direction jamais forcés. Un break noir survient, c’est un sorte de drone aux sons dérangés. Il s’étend jusqu’à la fin du morceau, validant sans coup férir la singularité d’un album réellement captivant.
Recognise fascism, révolté, joue ensuite une électro-cold de tout premier ordre. Michelle Doyle, en plus de créer un champ sonore personnel, aborde des thèmes qui eux non plus n’ont rien de banal. Ca contribue à l’honorer. De manière répétée, elle change de ton, recourt à des samples bien trouvés. Excessive force, plus loin, la fait hurler. Il frappe fort, entre bruits froids et rythmes syncopés/affirmés.
De toute forme de sonorité, Risng Damp fait un atout. On reste captifs de son disque, sorti en K7 (magnifique mais pour le moment épuisée, il reste cependant le téléchargement). My motorbike en consolide l’aspect aventureux, hors-champ, et balourde une électro-EBM qui elle aussi envoûtera l’auditeur. Les chants, l’un scandé, l’autre « robotisé », s’y répondent. Les sonorités dévient, le climat y est vicié. Sombre. La cadence alerte. Petrol Factory fait partie de ces oeuvres tirées à peu d’exemplaires, confidentielles, réservées aux initiés, qui mériteraient pourtant une reconnaissance plus large. Le panel émotionnel qu’il met en branle est, de surcroît, large et de nature à laisser des traces.
A l’issue et comme pour nous rappeler qu’avec Rising Damp on ne fait pas dans la norme, un Petrol factory éponyme clôt les débats. Sur 20 minutes noires, dont émerge finalement un chant incantatoire et une brise sonore nourrie, truffée de bruits indus, il parachève une sortie précieuse pour tout amateur de musique dark et décalée, faite d’éléments disparates et ingénieusement associés. Le tout en groovant dans les ténèbres, suivant une diversité vocale et une identité sonique indéniables.