Tiens donc! Jusqu’alors, le seul Servo que j’ai pu connaître venait de Montpellier, faisait dans l’indé pur et dur et s’est d’abord illustré dans les 90’s, jusqu’à son excellent Food (2003). Celui dont je vous parle ici est en revanche rouennais, vous savez que du coup ça promet! Il en est à son 5éme support sorti, qu’il appelle Alien. Et de manière similaire à son homonyme du sud, il fait un carton. Son skeud est jouissif, psyché, post-punk et un brin cold. Brett Orrison (ingénieur du son des Black Angels, par exemple), a géré le mastering, la dynamique dans le son est ébouriffante. Puis il y a ces morceaux, 7 en tout, du meilleur acabit qui puisse être. Gorgés de fuzz (ça tombe sous le sens), comme l’est le mal nommé Pyre, ornés d’une voix caverneuse et dotés de motifs façon…Black Angels, justement (Soon et son tempo hypnotique assez magique, qui dégouline et scintille dans le même temps et où, aussi, le chant se fait fin, aérien), ils régalent. On est « anyway » placé sur les bons rails quand retentit l’incantatoire I, au jus éclaboussant. Il délivre des giclées pas piquées des vers, le chant de suite déboule sur ses tons grisés. Guitares en orage et faites de rage, de mélodies aussi, et rythmique carrée font le boulot avec prestance et dans l’excellence.
Je le pressens, ce Alien va être monstrueux (je pourrais sortir, j’avoue; mais je vais rester car il me faut décrire cet opus colossal). Râ, lui aussi vivace et irrésistible, nous pousse dans un bain froid, aux contours ténébreux, littéralement salutaire. Impérieux, le rock de ces 3 là, à savoir Arthur Pierre (guitare/chant), Louis Hebert (basse/chant) et Hugo Magontier (batterie/chant), qui nous réserve des incrustes lestes, est un incontournable du genre.
Si leur nom vient d’un titre du Brian Jonestown Massacre, les Servo, qui pensent ce qu’ils font (décidément je brille…), labourent leur champ et ne laissent à aucun moment les influences pourrir leurs terres. Ce Râ dure plus de 8 minutes, il hurle, fuzze sévèrement et impose sa puissance de tir. Il tempère, repart pied au plancher, bave sa sève -mais ne bavasse pas- de partout. On n’esquivera pas ses éclats, de façon simultanée on en vantera l’éclat. Soon, passé le Pyre mentionné en début d’article, est un pavé dont la douceur psyché enjôleuse, dégommée à grands coups de sons bruissants, fait des ravages.
Servo s’y envole, le titre a des effets spatiaux et spéciaux. Le groupe ne rechigne pas à étirer ses morceaux, à subitement tracer comme il le fait ici. Son étayage est superbe. Sa maturité audible, constituant de surcroît un atout choc. Je gigote, sur ma chaise de « scribe rock », à l’écoute. M’ont pris par surprise, les Normands; inconnus, à la base, de mes services, ils se destinent à m’accompagner pour un bon bout de temps. Leur son, en outre, décrit plutôt bien le quotidien qui est le notre actuellement. Ce faisant il l’allège, en atténue le poids. II, qui dépasse les 8 minutes, sonne comme une messe psyché ombragée. Les guitares plombent le bousin, qui lui aussi part dans des sentiers speed sur son second volet. On est à genoux, terrassés. Voilà le bruit qu’il nous faut. Tempétueux, orageusement majestueux.
Yajña, en fin de parcours, s’emberlificote entre kraut, psyché bien entendu -de la meilleure étoffe- et ardeur cold. Encore une livraison huppée, chantée avec un envergure de taille. Entre déflagrations et subtilité, Servo est bien loin d’être bancal. Rouen et sa riche scène peut être fier de ce rejeton, Fuzz Club peut en abreuver le territoire Anglais et pas seulement; les hommes ont largement les capacités nécessaires à s’y imposer. Alors pour faire bonne mesure, et comme pour démontrer que je ne suis pas dans la surenchère, un cinglant Room 3 surgit, fulgurant. La messe est dite, ça danse diablement dans l’église et les ultimes coups de semonce d’Alien font vaciller l’édifice. Excellente cuvée, monsieur le curé!