Si l’on devait retracer le parcours, jusqu’alors, de Sebastian Rochford, défricheur sonique « from London » maintes fois distingué avec Polar Bear, Sons of Kemet et Basquiat Strings, on serait bien en peine. Ayant collaboré avec Patti Smith, David Byrne et Brian Eno, composé des BO de films et j’en passe, il s’entoure ici de 2 complices (Pete Warehan, de Polar Bear, au saxophone et Neil Charles (Zed-U, Empirical) à la basse. Ca nous donne Pulled By Magnets, marqué avant tout par le désir de Rochford de retranscrire ses émotions, à partir d’un son massif lié à ses penchants pour death ou le grindcore. Mais aussi par ses voyages en Inde, où naquit sa mère, et ses lectures répétées de textes indiens et bédouins.
Tout un programme donc, que le groupe joue en prise live et sans ajouts, pour enfanter ce Rose Golden Doorways forcément singulier. Leste, souvent, et dépaysant, tout aussi souvent, le disque prend ses marques au son d’un Nowhere Nothing entre puissance et réitération, lent et insidieux. L’ouverture grince, produit un bruit aux airs de drone, et d’emblée déstabilise l’auditeur qui de toute façon, avait déjà compris que l’écoute ne serait pas « commune ». Pulled by Magnets s’appuie d’ailleurs sur ce poids et cette lenteur doom récurrente, colorée au saxo suave et « d’ailleurs », pour pénétrer les esprits. Slow Shrouded Aisle est fait de cette matière, déclinée sur des formats qu’on attendait plus longs compte tenu du type de musique jouée. L’album est immersif, il est nécessaire de s’en imprégner car une seule écoute ne peut suffire à ce qu’il dégage toute sa force. D’aucuns fuiront, les aguerris resteront. Those among us, opaque et turbulent, suinte un dub massif, hypnotique, qui achève d’asseoir la patte du clan anglais. Il s’anime, ce dub hybride, et ferait presque, même, tournoyer l’auditoire avec ses basses charnues.
L’effet, quand on fournit l’effort nécessaire, est indéniable. On trippe. The Immortal Fire assombrit un tableau déjà gris, certes, mais attractif. Psyché, ou pas loin, dans son « élévation » vers des cieux chargés, plus serein, parfois, quand le saxo intervient. Ca donne pourtant de la « couleur », cet ensemble, au rendu. Du cachet. C’est le cas sur Cold Regime People Die. Puis Within met le dit instrument au premier plan, histoire d’accentuer la sensation de périple vers des contrées lointaines. Il y a dans ce Rose Golden Doorways une certaine unité, un souci perceptible, aussi, de se démarquer. C’est chose faite. The Moon Of Oduglin, d’une durée plus étirée, est plus remuant. La batterie l’anime, met de la vie dans une trame qui une fois de plus n’appartient à aucune caste reconnue. On entend juste, pour l’occasion, l’amalgame adroit des mouvances explorées.
Enfin, c’est Invite Them In (album version) qui finit le boulot. On est un peu dans la même sphère que sur le morceau qui précède, suivant une énergie retenue et une enveloppe pas si obscure qu’à l’accoutumée. Et bruitiste en sa fin, comme aime à le faire, par chez nous, Oiseaux-Tempête. Le disque étant quoiqu’il en soit, et comme dit plus haut, réservé à une caste restreinte, dotée des capacités à appréhender cet univers libre de ton.