‘Tention copain, c’est des guedins! Y démarrent lyrique et pis y dézinguent tout. CHROMB!, qu’y s’appellent (oublie pas les majuscules). Ah et pis p’tain, y sont bons hein! En plus y débarquent tout droit de chez Dur et Doux, où y’en a toute une ribambelle aussi tarés qu’eux. Sauf qu’être tarés, dans leur cas, c’est te laisser dans les pattes un Livre des merveilles avec 4 titres (ah oui, en plus de ça y s’foutent de la gueule du monde: 4 titres et rent’ chez toi François!) renversant et renversé, dont les 4 morceaux durent jusqu’à plus d’heure. Le premier d’entre eux, éponyme, ne s’étend cependant que sur 4 minutes. On y entend des chants d’antan, un peu ménestrel, un peu pour les enfants, et de soudaines grosses traces soniques. C’est génial et pas commun, difficilement résistible. Retenez donc bien les patronymes de ces sombres individus, réunis pour niquer les chemins usuels de la zik: Léo Dumont (drums), Camille Durieux (red keyboard+synths+piano), Lucas Hercberg (bass+fx) et Antoine Mermet (alto sax+vocal+synth+delay). Rassemblés non pas pour se faire du blé, on n’est pas chez Bruel, mais plutôt dans l’optique de nous faire entendre du neuf. Et ça prend « tout suite », sans forcer ni planter.
Tous ensemble, ils te chopent et te cabossent, te murmurent à l’oreille des ritournelles bien belles un peu surannées. Le Livre des Merveilles est une merveille pépitesque et encore là, c’était l’début. Tonitruant, certes, mais la suite et ses chansonnettes de 3 jours vaut elle aussi très largement l’détour. Le fleuve Brison, pas loin des 10 minutes, chantonne sur un ton médiéval et laisse sa batterie taper, très fort, à la porte. Des notes à la fois dissonnantes et grandiloquentes l’accompagnent. On est bien dans autre chose, pour le coup, bien autre chose même, que du tout craché. En cela et dans ses essais dont on ne peut anticiper la direction prise, CHROMB! est précieux.
Le quatuor invente, fuit la norme à grands pas. Il développe une drone doux puis sombre (l’amorce du 3ème titre, Les chevaliers qui apparaissent). Il joue partout, à ce niveau de passion même mon couloir lui conviendrait. Il a déjà sorti 2 albums, si je ne m’abuse, avant ce Livre des Merveilles dont on feuillette les pages avec délectation et qui, à l’occasion, part dans un long tunnel sombre (le même titre). Au sein d’un seul et même morceau, on passe par des émotions contrastées. C’est très souvent ce qu’on vient quêter, en général, lorsqu’on s’implique dans l’écoute d’un disque. Avec CHROMB!, on est servi. Et ravi. Il ne te laisse pas tranquille, sans cesse il attire ta vigilance. Très free sur ce titre décidément singulier, il nous offre, pour finir, La souvenance d’Achille. On s’en souviendra!
La terminaison, dans la déraison, lui donne raison. Claire et obscure, c’est presque une cure. Contre le normal. De jouvence, aussi, face à un monde musical dont la redite le rend parfois vieillot. Un elixir enivrant, fort en goût et d’un cru dispensé en édition limitée. Normal, ça se réserve aux audacieux. Cette souvenance de fin s’assombrit, s’envole, en appelle à des sons inédits. Inutile d’épiloguer, il faut les écouter. CHROMB! et son label rhodanien d’une fiabilité permanente frappent fort, une fois de plus, en honorant grandement au passage leur désir de différence.