Voué à l’expérimentation pure et dure, Laguerre/Noetinger unit Anthony Laguerre (Batterie et electroniques) et Jérome Noetinger (Revox et électroniques), 2 touche-à-tout dont le simple fait de lister le parcours et les activités reviendrait à écrire un livre. Ensemble les 2 hexagonaux, sur ce DnT livré dans une superbe enveloppe noire et doté d’un beau poster déjà accroché à mon mur, tâtonnent, produisant un bruit qui, s’il m’a dans un premier temps complètement dérouté, exerce aujourd’hui sur moi une diabolique attraction. Il me paraît en effet, par sa noirceur et son bruitisme délibéré, être la parfaite bande-son de l’angoisse liée au confinement que nous vivons depuis déjà plusieurs semaines. Obscur, il s’écoute d’ailleurs…confiné. Entre rock noise et essais électro-acoustiques, bruits « apeurants » et soudaines attaques de batterie assénée, on trouve là un genre unique. Qui, si on s’en donne la peine et quand bien même nous risquons d’être peu nombreux à le faire, finit à force d’écoutes « de dissection » par nous gagner. Ses voix (en sont-ce vraiment??) minimales, mêlées à des bandes folles (Le lendemain de la veille à l’ouest), accroissent par ailleurs l’effet d’oppression, de captivité, qui en ressort. Des loopings sonores surviennent, vertigineux. Laguerre martèle, Noetinger triture et croyez-le ou non, ces 2 là sont cohérents dans leur apparente extravagance. Vespertilion, chargé d »ouvrir le bal nuptial, surgit des ténèbres. Fracas imminent des « drums », sons de toute origine voisinent.
Fruit de 2 jours de travail au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy, en juillet 2018 et destiné à célébrer façon Vegedream (vomissements réels) la victoire de nos footeux (blague toute aussi réelle), DnT m’évoque par exemple sur l’inaugural Vespertilion décrit plus haut, les ambiances les plus chaotiques du Sonic Youth des tout-débuts. Eveil, dans la foulée, n’éclairera ni ne rassurera personne. Tribal, il sonne comme une guerilla sonique. La paire n’a pas son pareil pour générer des climats fascinants, à la macule unique. Il faut suivre, je n’en disconviens pas. Il m’arrive de décrocher, mais j’y reviens. Comme si ce son était un besoin. Un son détourné, mal famé, ingénieux et passionnant aussi, quand on a la sensation de « l’apprivoiser ». Quand on adhère, il ne nous lâche plus. Dans le même temps, il nous met le nez dans la merde. Celle de notre époque, qu’il nous aide à évacuer. Vaste tache.
Frisson furtif, où la batterie semble hors-contrôle, n’est pas plus avenant; il fait frissonner. Et pourtant. Dans son déluge de grisaille, Laguerre/Noetinger s’avère être un séduisant défricheur. Masse le fer du son (allez comprendre..) part au galop. Cheval fou, lancé vers un monde sonore assourdissant, le morceau est opaque, sans traits de lumière. A l’issue Réveil, aux airs de songerie psyché triturée, apaiserait presque ce trip dans la nuit, truffé de bruits et rythmes expérimentaux de nature à faire fuir le plus guillerets des auditeurs tandis que dans le même temps, il convertira les plus initiés à sa cause.