Projet solo d’un ancien surfer (j’entends déjà les récalcitrants brailler et protester; qu’ils se rassurent, celui-ci s’est converti à la zik grungy et le fait bien), Yrwan Garcia Léal, YGGL sort son second album, intitulé Hazy, 3 ans après sa formation en 2017, et suite à un premier jet nommé R.ad (novembre 2018). D’emblée, on se prend de délicieuses effluves grunge, assez dark, en pleine poire. Ca porte ses fruits, sans jeu de mots pérave; ça fait penser à Jessica 93 pour ce côté cheap et grésillant, bien cold, bien shoegaze aussi en certaines occurrences. Violence suit d’ailleurs, pour ouvrir, cette voie: obscur, noisy et atmosphérique, il marie les 2 tendances en instaurant de plus, sans tarder, un climat grisé, désenchanté, qui se propage aisément. S’il le fait ici de manière plutôt « flemmarde » dans la cadence, cette dernière accélère sur Anything. Le rendu n’en est que plus entraînant encore et de plus, l’accroche se confirme. On aime, dans la sphère indé, les artistes qui, seuls et passionnés, créent leur bazar avec un talent qui n’est pas du au hasard. On aime, aussi, leurs souillures et leur mélancolie (Why, clippé plus bas), leur refus de faire du propre. Car le propre, c’est souvent dégueulasse. Et puis le chant éraillé, avouons-le, n’est pas sans plaire. Il est pour le coup l’un des éléments qui distinguent YGGL. Lequel, à mon sens et au vu de ce qu’il se montre capable de faire a bien fait de délaisser la planche.
La preuve: Slave et ses élans vrillés, sa boite à rythmes chaloupée, enfoncent le clou. Signé chez Musique d’Apéritif, label biarrot dont le catalogue accueille par exemple Videodrome ou Carambolage, ou encore The Bad Pelicans et Kaviar Special, YGGL nous sert avec son Hazy une bonne grosse lampée de nectar de derrière les fagots. Et puis allez, il nous jette un Strange life carrément addictif. On l’attrape au vol, il fait du bien aussi çui-là. Il en ressort une mélodie viciée, crade et belle. La guitare s’embarque dans un solo sobre et bon, attendez les bébés, on n’est pas chez Satriani! Pas de démonstration ici, juste de la passion et avec ça, on fait mieux que bien d’autres.
On ne s’arrête donc pas en si bon chemin; LWYL trace et voit les six-cordes jouer, une fois de plus, des plans simples et pourtant si estimables. Leurs effets font effet (Burning brain), la poudre shoegaze de l’effort, plus sonique que dream-pop, tout autant. XX s’emporte, rythme débridé. Guitare déviante, jamais, de toute façon, sur des chemins tracés et bien dégagés. C’est la Cold escape, comme le dit le morceau suivant. On se fait la malle avec YGGL, le dit titre avance au ralenti; c’est presque du soft-grunge, hum…non, c’est quand même bien dirty. C’est, on le notera, nettement plus lourd (dans le rythme, je précise). Et ça séduit, ni plus ni moins que ce qui a pu suivre. C’est à dire beaucoup. Notons par ailleurs qu’hier, le 7 avril donc, YGGL devait ouvrir pour Follakzoid. On ne confie pas une telle première partie à des rigolos, c’est une lapalissade.
Il est temps, malgré tout, d’en finir. L’éponyme Hazy, aux reflets pop dans le chant, « dreamgaze » dans l’ornement, s’occupe de fermer la barrière. Nous voilà de ce fait avec un « fockin’ good record » dans les pattes, troussé par un YGGL à n’en pas douter très doué.