Le Groupe Obscur est rennais, bon point incontestable. Ca devient une réelle habitude de parler, ici, de formations issues de la dite ville et c’est d’autant plus enthousiasmant quand, à l’image de ces 5 bienfaiteurs soniques, celles-ci dévient, inventent, enchantent, bercent et griffent, et créent au final un registre qu’on peinera à retrouver ailleurs que dans leurs rangs. Fort de 2 EP’s où son identité se révèle, au son d’une langue qui elle aussi n’existe qu’en interne, le quintet bouscule nos habitudes, nous tire par les sens et nous invite à un périple unique. C’est donc son premier jet, Selesȼa, qui en dessine les contours. On n’a pas fini d’en faire le tour et on reviendra de façon certaine y faire plus d’un tour. Entre songe éveillé et parcours plus remuants, il y a de quoi flâner, de quoi s’abandonner avec la perspective, au final, de se faire du bien à l’âme et de faire une trouvaille qui vaut la peine qu’on lui accorde une attention toute particulière. On soulignera, au passage, l’imagerie digne du Black Bones d’Anthonin Ternant. Ce qui, vous l’aurez compris, est à porter au crédit du projet Le Groupe Obscur.
Bonfleau, qui lève le voile d’un groupe précieux, va chercher du côté d’un Cocteau Twins, dans une dream-pop à la magie…obscure, faite aussi de finesse, d’envolées vocales qui nous tourneboulent le bocal. On n’a déjà plus le choix, Planètes ténèbres joue dans la foulée une électro-pop dont les relents dream, gentiment cold, et les sonorités bien loin d’être banales neutralisent le cortex. On n’a plus le contrôle. Le vaisseau a décollé, nous avec. L’ascension est singulière, difficile à qualifier mais on peut s’y fier. On embarque, pour le coup, avec des défricheurs dont le but premier est d’offrir autre chose, d’aller chercher là où personne d’autre ne s’est encore aventuré. On découvre à peine l’esquisse de ce territoire nouveau qu’Apnée nous fait replonger, lumineux autant qu’il est froid, attractif de par ses notes et cadences mélancoliques, un peu comme aimait à le faire The Cure sur son génial Disintegration. On est d’ailleurs, à l’issue de ce morceau, dans une torpeur saccadée et presque psyché (Piȼedelula), voix célestes -pour la dame- et étrange, filtrée -pour l’homme- à l’appui. D’enivrantes fulgurances arrivent, puis c’est aux limites de la cold-wave que l’amorce de Ȼalaȼetelaea nous emmène. Une cold-wave au tranchant enjolivé par une Liz Fraser française, pour un rendu une fois de plus sans équivalent reconnu. Il y a du Dead Can Dance, aussi, dans l’oeuvre des bretons. Laquelle s’achève, en ce qui concerne ce « debut EP », par une courte plage répondant au nom de Ȼoȼoȼoda, un peu moins signifiante que ce qui précède car trop peu développée.
Peu importe, Le Groupe Obscur a d’ores et déjà assuré sa mission; surprendre, herser son propre sol pour, au final, instaurer SON son. L’évasion est en outre de mise, elle se confirme dans la superbe avec Pondecen. Fhëmë nous y accueille en jouant un folk fin mais impétueux, magnifié bien entendu par ce chant au langage savamment conçu par le clan. Ce qui ne fait évidement qu’en renforcer l’identité. Mysticisme et fantaisie sonore, tissée dans des bruits inventifs, assurent un trip qui comme sur l’effort initial captive son monde. Voliansor lui confère un cachet à la Blonde Redhead; pas celui à la fougue rock proéminente mais plutôt celui qui, dans la ouate vocale et en usant d’une belle inventivité, déforme les codes pop. On en arrive alors à la « Trilogie » Pondecen…
Cette trilogie, c’est une suite de 3 rêvasseries délicates. Pondecen I tout d’abord, sobre, orné tout juste de quelques accords. Et pourtant envoûtant car dans l’économie d’artifices, Le Groupe Obscur met le feu. A nos sens. Pondecen II, plus agité, ombrageux, livre une opposition notable entre fond…Obscur et ce chant, ce chant…que je parviens plus à catégoriser. Puis Pondecen III (Princesse), majestueux, renvoie la même sobriété dans le parement. Les envolées, piquantes dans leur chatoyance, font resplendir le tout. Les guitares, aux effets vaporeux, mordent sans planter les crocs. Peut-être devrait-elles, à l’occasion, s’y laisser aller. Ces 2 EP’s sont, certes, des perles absolues. Mais un surplus d’acéré leur serait à mon sens bénéfique. Il viendrait cingler la délectable léthargie dans laquelle nous sombrons, portés par un groupe qui, s’il se dit Obscur, illumine nos vies et leur apporte bien plus que du tout craché.