Sorti à l’origine en janvier 2016 chez Wave Records, le Vale of Tears des Munichois ( et Berlinois) de Bleib Modern a été réédité, récemment, par Black Verb Records. Remastérisé aussi et ça s’entend: le « dark post-punk » des 4 Allemands sonne sévèrement bien et de plus, le contenu se partage entre efforts basés sur l’atmosphère, lestes ou presque, et essais bien plus enlevés. L’un d’entre eux, Paper skin, me faisant penser de manière extrêmement réjouissante à A Place to Bury Strangers.
C’est pourtant dans une subtile noirceur que débute l’opus. Dust s’élève, nous drape dans une lumineuse noirceur. Il se développe lentement, envahit l’espace. Un chant glacé, de crooner gothique, se fait entendre. L’option est prenante. Elle se perpétue sur I don’t like you, donne du cachet à ce disque qui place au premier plan un groupe attrayant. Inside, du même tonneau, fait lui aussi étalage d’un clair-obscur lent, dans une retenue qui lui réussit. Et qui laisse filtrer, aussi, un côté torturé, une belle adresse dans la création d’ambiances singulières. Blackened soul ne dépare pas, il parle de par son nom et jette une chape plombée dont on s’éprend. On se surprend même à souhaiter que Bleib Modern s’en tienne à cela, prenant le contre-pied des bandes qui « vont vite ». Mais il aime ça tout autant que ces dernières.
Ainsi et si Vale s’enfonce dans une noirceur proche des Sisters of Mercy, une fois de plus lancinante, Their changing faces accélère. Ce faisant, il arrache tout et nous éclabousse de ses retombées noisy-cold. Je pense, là, au T 21 des frères Lomprez dans une option shoegaze, mais aussi aux APTBS cités plus haut. Les guitares entrent en fusion, Bleib Modern se lâche et ça fait des taches. Le contrepoint de ses climats bridés est superbement assuré. Paper skin déferle, c’est une perle. On n’est pas là pour cueillir des trèfles, on envoie du bois et celui-ci vient de la Forêt Noire. In full bloom, dans ses pas, tranche dans le vif d’un shoegaze-cold des plus fréquentables, bien sonique. On produit un bon boucan, il serait bien dommage de passer à côté. Et c’est chez un label qualitatif, de plus, que tout ça se passe.
A la fin des réjouissances, Empty vessel renoue avec des abords bridés. Ca passe avec autant de facilité que le début d’album, on y entend, de plus, des sons triturés, « fuzzy », qui louchent côté psychédélisme. Et comme si ça ne suffisait pas, Lone termine de manière similaire, dans un abîme à la grisaille avenante pour les initiés. Du tout bon!