Déjà « régaleurs » avec leur « Sous la peau de Maman Küsters » (janvier 2016), les 2 brestois inspirés de Maman Küsters font leur retour, rigoureusement équilibré entre morceaux nouveaux, au nombre de 6, et remix. Au nombre de 6 également, et qui convoquent du beau monde puisqu’on y retrouve Marc Caro, The Hacker ou encore Marc Collin. Le tout sous couvert de paroles « psychiatrico-poétiques », passionnantes et délirantes, dont la symbiose avec les phases EMB « de nuit » de Cyril Pansal (vocals) et Gaël Loison (analog synths) fait une fois de plus jubiler les sens. Chopé par les nappes de synthés qui jouent des sons froids et ce chant extravagant, au verbe sans réel égal, on vit une expérience définitive, impulsée par 2 artistes dont le champ sonore et grammatical, déjà aiguisé, s’étend encore ici. MK ultra salue l’assistance, fournie. Venue en masse, normal; ses sonorités valent le déplacement. Il flotte, se projette dans le futur mais le moment présent, frappé du sceau « MK », mérite qu’on s’y attarde. C’était magnifique. Ca l’est plus encore quand Julia Bondar, issue du même label et auteure d’un bonisssime Top hits, pose sa voix ombrée et féminine sur L’alpiniste. Les balades agitées des claviers, pendant ce temps, feront remuer les membres. Un tragique délice. Que les mecs ont le bon goût d’accentuer en nous livrant, voix « martienne » en sus, le teutonisant Träumen Androiden Von Elektrischen Schafen. Une rêverie intenable dont la particularité, à l’image de bien d’autres morceaux, est de recourir à un étayage simple, sans détours superflus, qui comme qui dirait « remet la cabane au milieu du jardin ».
On est de toute façon captif, l’éponyme L’extase et la terreur nous installe dans une douce torpeur. Putain, ce chant! Tordu dans son propos, libre d’interprétation, parfois à bout de souffle, vicié et angoissé. Angoissant aussi. Inspiré, hautement, dans ce qu’il renvoie. Rien, sur ce nouvel effort, n’est à dédaigner. Meshuga, généreux, nous fait le coup de l’alimentation « idéale ». De fait, il ne laissera aucun d’entre nous sur sa faim. Ses séquences en va et vient, madame, baisent votre âme. La petite reine, souveraine, énumère les capitales mais, tiens, prend fin trop vite. Ca n’empêche qu’au vu du contenu, de sa déviance (c’est l’atout « number one » du duo, et pas le seul), on le garde en tête.
Il est alors temps d’attaquer les relectures. Dans ce domaine, Maman Küsters ne s’entoure pas de nouveaux-nés. Marc Caro en personne étend la songerie de L’extase et la terreur. Hypnotisant, le titre illustre bien l’effet Maman Küsters. J’étais fâché avec les remixes, les considérant souvent comme le sucre en trop sur un gâteau déjà chargé. Sur ce disque, on s’éloigne de ce travers. On sert, sans s’la péter, de vraies resucées. Celle de La Dernière Maison Sur La Gauche (Franck Kartell remix), outre le fait qu’elle s’applique à l’une de mes plages favorites, mitraille du son-drogue en rafale. Maman Küsters, c’est une salle de shoot. Les claviers t’injectent le produit et le vocal accompagne ton trip. Ca prend aux tripes, et puis The Hacker débarque. Liebe hat keine preis, virevoltant, nous replonge dans le printemps. Porté par les penchants chimériques de la paire Pansal/Loison, il les malmène au rythme d’une EBM saccadée/fulgurante du meilleur effet. Le temps du réveil, Transat en kit (Chris Shape remix et le mec, mauvais jeu de mots, est en forme) t’incite à t’y poser (dans l’transat) mais ne te laisse guère le loisir du repos. Sa cadence folle t’emporte et te porte, lancé dans une course où tu marches sur la gueule de ceux qui suivent pas.
C’est un piège, ces remix. Il nous fixent. On retrouve Liebe Hat Keine Preis (Years Of Denial remix), fatal. Un massacre électro-dark qu’on dévore en entier, quand bien même il ne figure pas au menu du diététique Meshuga. Il est 13h05 (pas 3h30), j’ai…faim. Mais je poursuis l’écriture. Entre rêverie et tempo libéré, on n’est pas ménagé. C’est bien, c’est dans l’esprit, comme aimait à le dire Didier Deschamps sur Les yeux dans les bleus. Il n’entendra peut-être pas Marc Collin imposer des élans 80’s à L’Extase Et La Terreur, dernier tir en pleine carcasse d’un album qui défonce sa race. Dommage tout de même; le titre est fédérateur. Sportivement, c’est profitable. Musicalement tout autant. J’en ressortirais presque, merci Marc, les quelques opus estampillés Eighties que je possède encore. Après, priorité oblige, la réécoute de cette rondelle dont beaucoup s’éprendront.