Dans la foulée d’un bien bon We Need Distance, Ari et Charlotte répondent aux questions de Muzzart, entre délire du soir et éveil total du matin…
1. Salut Charlotte, salut Ariane ! Ne seriez-vous pas des admiratrices « refoulées » du mythique Jean-Michel Jarre ? Les synthés, chez vous, sont (presque, presque et encore presque…) aussi dominants que chez lui….
Soir: Jean Michel Jarre ? On connaît pas! Par contre on adore Jean-Michel comme prénom…
Les synthés ? T’as déjà essayé de jouer de la batterie ou de la guitare avec 2 doigts ? Du coup on s’est mises au clavier, et puis on en avait sous la main.
Matin: Ari ; on adore la musique electro, JMJ moins. Le synthé, je ne sais pas pourquoi ni comment, a toujours été là à portée de main. Quand t’es pas musicien, tu peux toujours en tirer quelque chose. Sympa le synthé!
Cha : A vrai dire, notre nom est juste une grosse blague; on n’a jamais écouté Jean-Michel Jarre, et on n’en a pas tellement envie d’ailleurs.
J’ai été chanteuse dans un groupe pendant 10 ans, avec des mecs qui jouaient bien, mais j’avais jamais pris un instrument, à part la batterie dans un autre groupe de punk. Franchement, l’idée d’apprendre à jouer de la guitare ou de se trimbaler une batterie, non merci, trop chiant ! L’electro, c’est plus accessible. Pour les concerts, on se déplace avec un mac et 2 micros, on pourrait y aller en mobylette !
2. Qu’est-ce qui vous a poussées à faire de la musique ? Certains groupes vous ont-ils influencées dans cette décision ?
Soir: Euh… Jean-Michel Jarre…
Nos influences ? Jean-Michel Jarre…
Matin: Ari ; Mystère, écrire de la poésie, fredonner des mélodies, enregistrer sur 4 pistes, dans un ordi. Et puis oui tout un milieu: la jeunesse à Valence, les copains des Beaux arts, ceux qui allaient aux Locaux rock répéter et les nombreux concerts organisés par Rutabaga. Tout n’a tourné qu’autour de la musique pendant des années (avant qu’on soit réduites à l’état d’esclaves domestiques :)) ).
Cha : Poussée, c’est le mot! C’est les copains, au collège, qui m’ont demandé de chanter dans leur groupe. J’avais pas envie, ma mère m’avait toujours dit que je chantais comme une casserole. J’y suis allée quand même et j’y ai pris goût. Avec le recul, j’imagine que c’est plus ce besoin de crier la colère ou la noirceur profonde, comme les groupes de punk qu’on écoutait en boucle, Clash, Buzzcocks, Nine Nine Nine, etc…
3. Quelle est votre vision du monde de la musique ? Avez-vous des aspirations particulières, des plans de carrière bien déterminés, ou est-ce le fun et le plaisir qui prévalent ?
Soir: Vive la musique !!! Pas d’aspirations particulières, pas de plan de carrières, mais des trucs à dire malgré nous…
Après, si on devient des stars, c’est pas grave: on assumera!
Matin: Ari; Le monde de la musique, je sais pas trop ce que c’est. Nous, on ne vit pas de notre travail musical. On n’a aucune prétention à en faire une carrière. On se fait évidemment plaisir avant tout. Comme un besoin aussi, il y aurait un grand vide dans ma vie si je ne pouvais plus en faire.
Cha : Pour moi, il n’y a pas un monde de la musique; il y en a plein. Le mien, le notre, est très personnel, parle plutôt de nos entrailles plus que de culture, ou de business. Y’en a qui seront émus aux larmes par une peinture ou une sculpture, nous c’est une mélodie, un texte chanté, 3 notes…
Je vois pas trop comment on peut avoir un plan de carrière dans la musique. Tu proposes quelque chose, ça plait, ça plait pas, tu sais pas. Ca dépend de tellement de choses. On n’attend rien, on n’a aucune prétention (d’où notre nom d’ailleurs !); on prend juste les opportunités, et il y en a !
4. Qu’avez vous éprouvé à la sortie de vos différents supports, souvent synonymes de plaisir, fierté et émotion pour bon nombre de groupes ?
Soir: Pas tant en fait; frustration, dégoût, dépression, sous-estime de soi…
Matin: Ari ; Beaucoup d’excitation, il faut savoir que tout ça était très inattendu et rapide (ceci dit heureusement, vu qu’on est des demi-vieilles, fallait pas que ça traîne). C’est exaltant de pouvoir matérialiser des choses que l’on a en tête, de leur donner corps et habits (eh! c’est beau ça !!! :))) ).
Cha : Tout pareil qu’Ari. Juste envie de rajouter que le support CD ou digital n’est pas très excitant pour moi. Vivement le 33T !
5. Vous collaborez avec Ray Borneo, le « tête pensante » de votre label (Petrol Chips). Que vous apporte t-il ?
Soir: Sans lui, on serait toujours dans notre cave! Big up à Mister B ! Il nous apporte finesse et rigueur, et tu peux nous croire, il en fallait. On lui doit notre future carrière internationale.
Matin: Ari; Ray est tombé du ciel, un soir où on n’avait pas toute notre tête; premier concert, soirée privé entre potes pour fêter des annivs. On lui a plu, il nous a proposé d’enregistrer. Je peux te dire qu’au rendez-vous suivant, je ne savais pas du tout le reconnaître. Il est devenu notre ami, notre partenaire de jeu. Charlotte et moi composons, écrivons les textes, et puis zou!, au studio avec B, qui peaufine, passe à l’or fin, arrange tout ça. Il est hyper fort B !!! En fait sans B, il n’y aurait sans doute pas eu JMJ. Big Up again !
Cha : Ce mec est d’une efficacité redoutable, et a une oreille assez incroyable. Tu lui bafouilles un truc comme tu peux avec ton langage qui n’a rien avoir avec celui des musiciens, des vrais (comme lui), et dans la seconde qui suit tu entends ce que tu voulais. C’est de l’ordre de la magie! On a beaucoup de chance d’avoir croisé son chemin, musicalement et amicalement.
6. En étudiant un peu ce qui se disait à votre propos, j’ai retenu le terme « Riot wave ». Est-ce que pour vous, il illustre une certaine forme de lutte et d’engagement ?
Soir: Of course, we are engaged…but a bit lazy tout de même.
Matin: Ari ; Riot est un terme qui est arrivé plus tard, au début on disait qu’on était M.A.O punk pour musique assistée par ordinateur. Certains ont eu peur qu’on nous prenne pour des sympathisantes de Mao. Mais on aimait bien, ça reflétait pas mal notre style. Et puis, il a bien fallu se rendre à l’évidence, nos textes disaient quelque chose. On y parle de domination, de désespoir et d’espoir. On est des Riot girls, à notre façon, sans appartenance. Les groupes associés au mouvement riot grrrl dénoncent souvent les problèmes liés notamment au viol, à la violence domestique, la sexualité, le racisme, et la montée en puissance des femmes.
Cha : La lutte, elle est très ancrée dans nos tripes, mais l’engagement, pas tellement. On n’adhère officiellement à aucun collectif, aucun mouvement. Par contre, on écrit des textes et les collectifs nous programment parce que ça leur parle, c’est déjà pas mal. On croit souvent qu’on est un groupe féministe, mais ce n’est pas tout-à-fait ça. Pour moi, être féministe quand t’es une femme, c’est un minimum, c’est comme aimer les fleurs quand t’es fleuriste. Nous, on est plutôt intéressées, voire ravagées, par la domination d’un être humain sur un autre être vivant, domination qui n’a ni genre, ni couleur, ni sexualité…même si elle est majoritairement masculine, blanche et hétéro. Je suis en train d’écrire un texte qui s’appelle « I’m white », justement pour dire ça : je suis née dans une majorité privilégiée, mais je souffre au sein des minorités. C’est pas parce que tu es née blanche, « riche » (ma mère est une bourgeoise) et hétéro, que tu ne souffres pas, parce que la domination est partout. L’être humain nous intéresse dans son ensemble. Cela dit, heureusement que les collectifs se battent, et on est à leur côtés !
7. Comment vivez-vous le live, comment y êtes-vous accueillies ? Avez-vous, à ce sujet, des anecdotes « qui valent le détour » ?
Soir: On kiffe le live ! Très bel accueil du public mais payées comme des merdes, d’où notre ambition de faire une carrière internationale.
Une famille qui a voulu prendre des places, en pensant que c’était Jean-Michel Jarre, à 10 balles au Mistral Palace de Valence. Ben voyons !
Matin: Ari; Au début, c’était hyper stressant, on a joué pas mal ivres pour dire ça joliment. Puis on a essayé en étant clean et ça a marché, c’était même encore mieux !!! Maintenant on gère grave, plus de stress sur nos dernières dates, que du kif, en mode semi-automatique. Sur scène, nous sommes juste les interprètes de nos propos, soutenues par les vidéos projetées sur et derrière nous (ça dépend du lieu). En général, on est super bien accueillies. C’est marrant le contraste entre avant et après. Les gens sont assez surpris. Les filles, beaucoup, viennent nous voir pour nous dire à quel point ça leur donne de la force. Et ça, whaou, c’est top!!!
Cha : J’adore ça ! Le truc qui revient tout le temps, c’est l’énergie qu’on dégage. Il faut dire qu’on aime beaucoup l’aérobic !
Amnésie oblige, pas d’anecdote…
8. Peut-on espérer, suite à ces 2 EP’s accomplis, un album ?
Soir: Oui c’est prévu, mais le confinement nous empêche de donner une date pour l’instant…
A propos de ça, tu nous recontactes en juin, on aura des réponses plus intelligentes, si on a retrouvé nos neurones.
Matin: Ari; Oui, on a plein de projets, comme une urgence. Un album bien sûr et surtout, surtout, encore plein d’inspiration et plein de musique.
Cha : Oui un album, mais pas un petit disque en plastique. Un grand en vinyl!