Découvert via la Compil’ instaurée, depuis le début du confinement, par les excellents Confiné.e Records, Bleu Russe (bien Français pourtant) a derrière lui, avant ce Serrures et palmiers hauts en mots et fort en style, 1 EP et un premier album, Pigeon, qui lui a permis de nous voler dans les plumes une première fois. Suivi d’un second, appelé Missives d’amour. Avec fantaisie, celle-ci étant récurrente, extrêmement porteuse et décelant, quand on gratte le vernis, une habile et lucide narration de l’absurdité du quotidien, avec, également, une diversité certainement nourrie par son parcours antérieur en compagnie d’autres investigateurs (Et Après ?, Churros Bâtiment, As A New Revolt lui ont permis de se façonner), le bonhomme parvient d’ores et déjà à générer un rendu qui n’est dû qu’à lui. Ca fait du bien, il le dit lui-même sur l’amorce de son disque sur fond de guitares crues et en hurlant comme un possédé, avec au bout du délire un premier jet fatal. D’autant plus qu’il fait usage des synthés, sur La beauté du geste qui suit, avec mesure et panache. Son verbe est estimable, on y entend une poésie qui dévie, on y trouve du cru distingué et du beau parfois crade. Le gars est en plus assez doué pour brasser les genres, il est aussi Gentil par superstition (et musicien par passion), sur une tonalité cold remuante, truffée de sons oh combien bons.
Il y va, plus loin, de sa douce intro (La routine), et putain, à l’écoute tellement de choses nous surgissent dans l’crâne. Vous ferez ce que vous voudrez, pour ma part je le suis partout (ou presque, on est tout de même confinés et « en guerre » comme annoncé par Guignol Suprême récemment) car ce que je préfère, dans l’univers musical, c’est l’inédit. Ici, j’en ai pour mon flouze. Je lui emboîte le pas, dans ses giclées (oups) acides (Phone number (feat. Biscornue Bitch)), je chante (péniblement) ses refrains. « Donne-moi ton phone numbeeeerrr!!! », sur lit de sons stridents, ça le fait sévère. D’autant que le duo avec Biscornue Bitch, plus Biscornue que réellement Bitch, est un régal. On n’en perd pas une bouchée, on sauce même l’assiette après.
Après ça, on peut redescendre; l’humoristique Les petits cocotiers de Lolo, hip-hop/spoken word aux « Hin-hin » géniaux, ajoute à l’accroche du bazar. La chanson de Larry, ludique, étend encore le champ stylistique de ce Bleu Russe qui mériterait amplement de se retrouver propulsé…hum, peut-être pas au premier plan, il y fréquenterait du mauvais bousin. Mais s’il pouvait être plus en vue, ça ne serait que logique mon p’tit Eric! Loin, d’obédience chanson encore une fois expressive, le prouve. Qu’il se fasse posé ou produise un boucan tonitruant, le mec nous conquiert. Les corbeaux, exercice rap-chanson que des choeurs féminins « superbifient », le laisse jouer à sa guise, fort d’une belle imagination et de lyrics aussi « explicit » que bellissimes.
Il a des blattes, 10 blattes exactement. C’est rien, elles ne vont nulle part. Elles attendent. Elles se chargent de son sort, le mettent à nu un peu comme lui le fait sur ce morceau simplement habillé par les claviers. Il renoue ensuite avec un attirail bien plus rude, où les guitares grondent (12 pouce en l’air, c’est par ailleurs ce que mérite son album). On y retrouve des choeurs de donzelles, enjôleurs. C’est lo-fi aussi, à la base c’est un amas de petits éléments que David Litavicki, c’est son « ptit nom », agence dans l’excellence, entre Serrures et palmiers.