Les dates vécues à la Lune des Pirates, très souvent concluantes, m’ont fait découvrir des p++++++ de bandes, à commencer par les londoniens de HMLTD qui y livrèrent en mars 2018, avec Dollkraut Band, un concert renversant. Avec ce West of Eden on parvient à renouer, plaisir suprême et déviant, avec le même type de sensations. En perpétuelle mutation, entre Bowie et Roxy Music pour situer laborieusement, jonglant allègrement entre pop, rock, glam, incrustes discoïdes et plus encore, le combo signe un disque de (très) haute volée. The west is dead, giclées cold sur fond d’électro-rock fou, touches « façon French Cowboy » en surplus, l’inaugure d’ailleurs imparablement. Puis les riffs de Loaded, son rock dur où on entend, dans le chant…Depeche Mode (si si) tandis que des choeurs sucrés embellissent l’effort, créditent à leur tour et grandement le versatile et passionnant clan Anglais. On est, de plus, réellement imaginatifs dans la conception du décor sonore. The ballad of Calamity James, country-folk, nous amène alors dans d’autres eaux dont To the door prend le relais sur une trame folk-rock « countrysée » irrésistible. Il y a là du Wovenhand, du 16 Horsepower, une énergie qu’on peine à juguler -tant mieux- et qui, pourtant, installe un break soudain avant de s’emballer derechef. Tout ça est parfaitement calibré, aussi pertinent qu’imprévisible. Le morceau s’achève d’ailleurs dans une folie au genre indéfini.
Satan, Luella & I, ensuite, suinte un rock Bowiesque, entre classe du chant et touches glam. Les choeurs, à nouveau merveilleux, faisant sensation. Beau dans sa fougue, HMLTD livre sur son West of Eden une mémorable collection de chansons de choix. Quinze, au total, et pas une de « jetable ». Il fait briller ses mélopées (Mikey’s song), part sur Why? dans une pop orchestrale qu’il aurait pu, à mon sens, pousser un peu plus loin. 149 (feat. Tallulah Eden), fait d’un rock au pouls « discolectro », d’une voix féminine superbe qui répond à celle d’Henry Chisolm -tout aussi remarquable, voire « chaméléonesque »- et d’excès jouissifs, produit également un effet durable.
C’est de toute façon le cas de l’album dans son intégralité. Joanna, dénudé, laisse chant(s) et claviers mener la danse. Magnifiquement serti, il enjolive West of Eden. Where’s Joanna?, à sa suite, fait valser son rock, glam, griffu et racé, fringant et irraisonnable. Death drive évoque, lui, Nick Cave; pour la voix de crooner qui, à tout moment, peut dériver. Pour cette tension de fond, qui débouche logiquement sur une envolée déjantée. Soniquement, stylistiquement, HMLTD brouille les pistes et comme à la parade, rafle la mise. De zébrures épileptiques en accalmies troublées, il impose un talent que beaucoup lui envieront. Nobody stays in love, voix associées et rock électro mutant dans le sac, en fait étalage. Et ça groove, imparablement. L’interlude MMXX A.D. se présente alors, forte d’un rythme hip-hop/trip-hop et d’une voix détournée. Elle se termine trop vite.
C’est le dernier virage, on est encore sur le bitume en dépit de fréquents écarts. La joliesse de Blank state, son mordant avenant, ses lézardes aux sons malins, explosent en une gerbe incoercible. Enfin War is looming, pour conclure, commence tranquillement, dans l’élégance. Il prend de l’ampleur, et gagne en déviance, en amorçant sa seconde partie. Tout ça se fait avec classe, vigueur et inspiration constante, dans un hors-pistes qui fait d’HMLTD, et de son opus en présence, un must à écouter autant qu’à le voir s’exprimer dans les conditions du live où sa démesure maîtrisée prend une envergure qui nous explose à la figure.