Evénement musical majeur lié à la vie étudiante, le FAEP’STIVAL organisé par la FAEP, après son édition 2019 ayant eu lieu sur la glace du Coliseum amienois, se tenait pour sa cuvée 2020 à la Lune des Pirates. Preuve tangible de sa fiabilité, la « Lune » étant reconnue comme une SMAC mythique et constituant l’une des places fortes des Hauts de France en termes de musiques actuelles. Avec, au programme des 2 soirées consécutives, 2 noms reconnus: Broken Back pour le mercredi soir, les Isariens de Fack ouvrant le bal tandis que Cailloux, de ses nappes planantes, amorçait la phase « nuptiale » de ce premier jet. Puis, en ce qui concerne le jeudi, La Fine Equipe, DJ’s/beatmakers issus de Marseille et Paris (comme quoi..), la révélation locale Mercure Express tirant le rideau du soir.
Place à Fack donc, premier des 5 clans conviés aux festivités. Entre pop, rock et funk, ceci depuis 2015 si je ne m’abuse, les ayant vus aux Zicophonies de Clermont de l’Oise, le quintet de Pont Saint Maxence fait valoir un set énergique, un peu trop prévisible dans le genre et perfectible dans les « lyrics ». Mais il renvoie suffisamment de conviction, et d’unité (on sent la joie de jouer, d’être ensemble et Fack, en plus d’être un groupe, dégage un esprit familial; j’en veux pour preuve la bise sur le front « à la Laurent Blanc » avant leur entrée en scène), pour ouvrir le festival sans démériter. Fort d’un premier EP intitulé « Désaccord« , de narrations simples mais naïvement attachantes de la vie de jeune adulte et de ce qu’elle implique, Fack continue son petit bonhomme de chemin. On lui souhaite donc bonne route, dans l’union qu’il affiche, et bonnes dates à venir.
L’assistance, passé ce set inaugural, se fait plus dense. L’homme de Saint Malo, affublé d’un batteur « bérétisé » et d’un multi-instrumentiste sacrément doué, capable de slapper sa basse comme de nous dépayser au son de son bouzouki, va ravir, et le mot est faible, la population estudiantine rassemblée sur le quai Bélu. Son électro-pop-folk, doucereuse, polie mais ayant le mérite de régulièrement dévier vers des contrées éloignées, ne me ravit pas. Trop polie. Mais les étudiants, au sommet du bonheur, dansent à qui mieux-mieux. Autour de moi, on braille les refrains, on se lance dans la danse. Entre mélancolie et joyeuseté, Broken Back s’appuie sur ses titres connus, en rafale, pour faire chavirer hommes et dames. Il faut lui reconnaître un sens du partage, un bel investissement, qui ont pour effet d’enflammer la salle. Je reste indifférent mais lucide, heureux de voir que la FAEP, qui a fourni comme chaque année un gros travail de préparation et assuré un accueil estimable (clin d’oeil à Louise, mon interlocutrice « médias » et l’une des chevilles ouvrières du festival), trouve dans ce live, et pas seulement, l’aboutissement mérité.
C’est alors Cailloux, face à un public « amaigri » (je déplore la fâcheuse habitude qu’à le public, après un temps fort vécu avec la tête d’affiche, de se désintéresser des combos moins en vue), de livrer ses nappes planantes, accompagné pour cela d’un guitariste qui met de l’organique, belle idée, dans le synthétique de son acolyte. Ca reste doux, céleste, mais contrairement à ce que jouent trop de DJ’s en fin de soirée, on n’est pas dans le tout-rythmique qui fait boum-boum comme dans une boum. C’est prenant, imaginatif, et ça dégage assez de relief pour attirer les badauds dans ces trames qui mériteraient, à l’avenir, d’être dotées de paroles, même éparses, et développées plus encore. Le mercredi est réussi, il valide le labeur de la FAEP et promet un lendemain lui aussi abouti.
On reprend alors le chemin du domicile, dans l’attente du jeudi où mes chouchoux du coin (avec Spooky Island, Amour Formica, Last Night we Killed Pineapple et d’autres), Mercure Express, ont pour mission de débuter. Je tombe justement sur Mathilde Thiney, membre du groupe avec le très doué Etienne Banz, devant la Lune. Tranquille comme à son habitude, elle parait sereine et effectivement, c’est en toute sérénité que la paire, nouvelles compos au bout des cordes (et pas des moindres), va une fois de plus nous combler. Mercure Express, on a l’habitude. On aime donc on y va, c’est pas plus difficile que ça. J’ai du les voir 5 ou 6 fois, ça pourrait m’émousser mais non, aucunement. J’y trouve toujours le même plaisir, sans cesse renouvelé. La « faute » à un style certain, pas commun, dans lequel on entendrait Bashung, de la pop française jamais mièvre que du cold viendrait « ombrer ». Ils se définissent comme « rock français », c’est en fait bien plus que ça. La boite à rythmes dope le bazar de son ton sec, la talent d’Etienne explose sur des compos ingénieuses, qui plus est génialement minimalistes. Voilà le type de groupe qu’il importe de suivre, d’accompagner, car il dégage quelque chose de fort, de personnel, qui contrebalance joliment le manque d’idées de beaucoup de cliques soi-disant « plus confirmées » renvoient. C’est un bonheur, on en redemande et Mercure Express, ayant pour ainsi dire exploré la ville en y jouant régulièrement, pourrait à mon sens briguer des dates plus significatives encore. Je jubile, le mordant « Trouble » couronne le set avec ardeur et un certain sens du vice.
Revigoré, j’attends La Fine Equipe avec curiosité. Disposés en ligne, chacun devant son petit « kit », les 4 hommes vont nous enivrer d’un patchwork adroitement balancé où funk « so fresh », disco, hip-hop et voix fréquemment incrustées -on s’en réjouira- génèrent un mix irrésistiblement dansant. C’est bien plus vivant, encore une fois, que les fins de soirées immuables et linéaires concoctées, sans imagination, par des Dj’s creux. On y trouve même de brefs plans rock, l’heure est au métissage et on peut s’y laisser aller, on peut funker avec La Fine Equipe; elle n’attend que ça et fait tout pour, sûre de son impact auprès de la gente estudiantine. Y’a d’la joie par ici, je me trémousse parce « t’façon », je ne peux faire autrement. Quelle plus belle issue, pour la FAEP, que de voir ses semblables baigner dans la béatitude? Ses membres investissent les escaliers de la Lune, y sautillent et maladroitement j’essaye, appareil en main, de figer leurs ondulations. J’y arrive, un peu. J’y échoue, beaucoup. Peu importe, l’étudiant(e) à le sourire et la FAEP a atteint la cible. Son festival est une réussite, il met de la vie dans la cité, rassemble, fédère. Mission accomplie, pour trois fois rien s’agissant du coût (5 euros un soir, 9 euros les 2) et avec brio, pour un FAEP’STIVAL légitime et que tout un chacun, « faceux » ou pas, se doit de cocher dans son agenda.
Photos William Dumont.
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