Duo basé à Lisbonne mais oscillant entre cette même ville, Paris et Berlin, Velvet Kills réunit Su Eko (Vocals/Bass) et Harris Iveson (Guitar/Synths). Le duo joue un synth-punk, une électro-rock « darky », des plus respectables. Plusieurs sorties sont déjà venues sanctionner la valeur du combo mi-masculin/mi-féminin et ce Bodhi Labyrinth constitue la second long format des acolytes. Il sort sur 3 structures (Unknown Pleasures Records, Icy Cold Records et Manic Depression Records) d’importance, représentatives d’une certaine éthique et d’une qualité imprenable. L’âpre réalité de la société actuelle y est dépeinte, sur des tons sombres et avec lucidité. Si les sujets abordés méritent l’attention, c’est aussi et grandement le cas de leur écrin musical. Bitch face, entre traces trip-hop, cold-wave et vagues de claviers spatiaux, exhale son doux venin. A la fois atmosphérique et rythmiquement enlevé, il se contient. Il en émane des retombées brumeuses, des gimmicks prenants, qui de suite retiennent l’attention et génèrent une relative tension, encore sous-jacente, loin, encore, de l’explosion sonique inhérente à d’autres morceaux de l’opus. Avec Cash & move, on débride. Voix obscure et péremptoire, cadence au galop, incrustes froides se filent le relais. Un orage simultanément nerveux et susurré, voilà ce qui pourrait décrire ce second morceau qui crédite, lui aussi, Velvet Kills.
En troisième position, on a droit à un offensif In the gold mine. Des guitares bourrues y prennent place, le chant exerce encore, pour le coup, une attraction forte. Harris et Su font poindre, derrière leurs essais cold, une coloration gothique réservée. Ils se montrent imaginatifs lorsqu’il s’agit d’enrober, sur le plan sonore, leurs essais. En plus d’un nom de groupe qui peut d’emblée plaire, ils créent des trames dans lesquelles on se laisse aisément trimbaler.
Noise, moins bruyant que son titre pourrait le laisser supposer, instaure ensuite ses saccades. Sa retenue l’intensifie, le panel du groupe est par ailleurs varié. Sur sa seconde partie, le dit morceau s’emporte brièvement dans sa course jusqu’alors sereine. The key, synthétique (avec, à nouveau, de belles idées) et plutôt vif, fait valoir une vêture cold à l’étoffe dark-wave avenante. Les sonorités « d’enrobage » sont aussi célestes qu’ombragées. A ce moment on en arrive déjà au terme de l’album, qui inclut au total six plages. Hangover Calling, électro-dark, siffle donc la fin de la partie. Dommage, on aurait prolongé la « récréation » avec grand plaisir. L’ultime essai, mid-tempo songeur et grisé, captera nos sens à l’image des cinq autres travaux livrés en bonne et due forme.
Sans faux pas donc, Bodhi Labyrinth mêle puissance, élans nuageux, redingote cold et apparats électro, sous couvert de vocaux entre mélancolie, désenchantement et affirmation, charismatiques. Comme tout produit sorti des labels qui l’héberge, il est doté d’un pouvoir d’attraction indéniable, d’une identité perceptible, et fait merveille tant en termes d’ambiances qu’au niveau sonique. Il est « juste » un peu court, c’est là l’unique bémol qu’on pourrait, et encore est-ce pour faire la fine bouche, lui apposer.