Groupe d’Oslo, en Norvège, Mayflower Madame se livre corps et âme à un post-punk psyché, racé et, dans le même mouvement souvent sombre et vif, intense. Auteur, déjà, de sorties significatives (Observed in a Dream en avril 2016, l’ep Premonition en mai 2018), de scènes qui ne le sont pas moins (partage des planches avec Killing Joke, Crocodiles, Moon Duo ou encore The Undergroud Youth), le trio récidive avec l’excellent Prepared for a nightmare. Soulignons tout d’abord que celui-ci sort chez nous sur le label Only Lovers Records en collaboration avec Icy Cold Records, gage de qualité certaine. On n’est donc pas étonné, l’album séduit vite. L’éponyme Prepared for a nightmare, chargé d’inaugurer les festivités, sonne Black Angels. Sa noirceur feutrée, stylée et lancinante gagne l’auditeur, en l’occurrence moi-même, alors que s’y adjoint une forme de tension que Mayflower Madame, pour le coup, « étouffe ». Vultures, plus alerte, réitère une effluve psychédélique que l’allant post-punk du combo vivifie. Ce dernier pose sa patte, griffue-veloutée, sur un disque qui, on le pressent, pourrait s’inscrire dans la durée. Il détient, à l’évidence, le pouvoir d’accroche nécessaire à assurer à ses géniteurs une reconnaissance à la hauteur de leurs aptitudes.
Avec Swallow, on est encore dans cette feutrine psyché obscure, finaude, qui sied aux hommes venus du froid. Ils en projettent une partie sur leur oeuvre, la modèrent en y incluant des airs doucereux viciés. Ca donne, à l’arrivée, des compositions de haut vol. Ludwig Meidner renvoie, lui, la mélancolie enlevée d’un The Cure. On y ajoute de la ferveur post-punk et le tour est joué. On recourt, aussi, à des claviers discrets et bien placés.
Never Turning (In Time) crée son ombrage à partir de motifs, une fois de plus, bien choisis. Le morceau est lancinant à l’instar, encore, de certains morceaux de Smith and Co. Sacred Core renoue ensuite avec des abords plus mordants avec, comme de coutume, cette classe torturée qui symbolise l’oeuvre de Mayflower Madame. Il y a dans ce groupe, ce qui m’évoque Motorama, une facilité à trouver le motif sonore qui fait du bien à l’oreille. The Night Before…nuptial, met pour sa part l’accent sur l’atmosphère dégagée. Rien à jeter chez nos amis Scandinaves, qui sont pour l’occasion au sommet de leur forme. C’est ici à Nick Cave, pour la distinction vocale vénéneuse et ombrageuse, qu’on songe. Goldmine, de manière bien plus fervente, déroule selon un rythme appuyé. On y retrouve, sans surprise mais pour notre bonheur le plus vif, une beauté pénétrante, tourmentée, aux reflets psyché évidemment, qui s’empare de nos sens. Un des membres de la clique porte d’ailleurs un t-shirt Sonic Youth; comment voulez-vous, par conséquent, que le rendu déçoive? A l’effigie de Goo, qui plus est. Et je l’ai!
Passé cet épisode d’auto-satisfaction, A Future Promise est loin de dépareiller. Il sent le soufre, le panache, exhale un air à la fois aérien et noisy. Prepared for a nightmare est un disque majeur. On en acquiert, au fil de l’écoute, la certitude totale. Le voyage s’achève avec Endless Shimmer, dans une retenue qui très vite gagne en vitesse d’exécution. Magnifique, le nouvel opus de Trond Fagernes (vocals / guitars / bass), Håvard Haga (guitars) et Ola J. Kyrkjeeide (drums) mériterait, s’il évite l’écueil de l’indifférence parfois incompréhensible du public et de la critique, d’être mis en avant partout où c’est possible et de quelque manière que ce soit.