Casey, sur Gangrène, c’est la Reine. Elle a mis les mains dans le triphasé, s’est dopée à l’électricité rock, celle d’Ausgang. Un gang où Marc Sens (guitare(déviante)/basse), Manusound (machines/basse) et Sonny Troupé (batterie) dynamitent tout ce qui bouge, ou plutôt ne bouge plus. A l’instar de Casey, dotée d’une acuité dans sa vision sociétale, et d’un verbe rap sans complaisance, qui la portent haut. Après ses efforts solo, des travaux avec Zone Libre (une tuerie sonore totale) ou Asocial Club, une incartade théâtrale et une apparition dans Viril (avec B.Dalle et V.Despentes), la rappeuse à l’esprit ouvert et dissert renoue avec la fusion rap-rock. C’est l’orage. Rage sans âge, fusion, donc, de genres qu’on a toujours opposés et qui ici, pourtant, s’acoquinent comme si, depuis la nuit des temps, ils étaient voués à s’unir. Et pas pour le pire, mais plutôt pour l’ire. Celle-ci prend forme, d’emblée, au son de l’éponyme Gangrène. L’électro prend le volant, violente et dansante. Rythme rap, déflagrations rock, l’union fait la force et rude est l’écorce. Le ressenti de Casey, tranchant, sert de ciment. Les bases sont posées, Bonne conduite délivre une énergie punk, met des beignes à l’avilissement dont nous sommes l’objet. Son refrain, percutant, fait grincer les dents et incite à la résistance. Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit; résister, mettre la soumission sur son séant et lui en mettre plein les dents. S’unir, comme nous y incite l’hymne Chuck Berry, dans le son comme pour nos causes.
Ca sonne grave, parce que ça sonne vrai. A l’encre de sa plume gicleuse, Casey enrhume l’injuste. Elle a le mot juste, cru et dru, clairvoyant. Comme une ombre, ode à ceux dont on pourrit l’existence, dont on entrave la juste croissance, dresse un constat amer. Des guitares bruitistes le consolident, au bout de ses mots naît l’espoir, réel bien qu’illusoire. Crapule, crapuleux, riffe sec et met au premier plan la crapule, crapule parce que la vie, dure, le met dans le dur et le rend moins sûr. Alors il fait le dur, le titre en question lui est dédié et le fait, lui au moins, exister.
Aidez-moi, clame ensuite le gang. « Et chuis en train d’couler », prétend la Martiniquaise. Tu rigoles ou quoi? Tu surnages, plutôt. C’est vrai, et c’est pas le cas de tout le monde. Tu le dis bien, certains ont besoin d’une bouée…pour ne pas échouer. « Ma seule défense, ma carapace ». Tu as raison. Carapace de son, carapace de mots, carapace d’une vision jamais floue. Gangrène. Ma complice, parfait équilibre entre électro groovy et rock sévère appuyé par la diction insoumise de Casey, consolide cette carapace. Contre les rapaces. Qu’ils aillent, d’ailleurs, bouffer leur race. « Pour me défendre, j’mets des coups, et des mandales, quand je m’emballe ». Le titre tire des balles, adressées aux trous de balle. Gangrène, de toute manière, est une tuerie sans manières. Elite, dont on connaît le public « cible », fait convoler électro sobre et traces bluesy. Stylés et mal élevés, Casey et Ausgang signent un manifeste, sans conteste, incisé à la colère. Elite de ma b+++, me surprends-je alors à cracher. L’élitisme, un coup bas porté par nos « dirigeants » indigeants, un de plus, révélateur de leur incapacité à faire étinceler la difficulté de ceux qui, tapis dans l’ombre, peinent à se réaliser.
Alors survient La rage. Leste, entravante mais aussi porteuse. Elle sonne et raisonne (juste), elle résonne aussi. C’est un nouveau standard, asséné, à porter à l’actif d’un album dont l’authenticité renverra nos gouvernants à leur inexorable néant. Gangrène les mettra sur leur séant, bande de Bâtards. C’est fait exprès, comme vos basses manoeuvres à l’encontre de nos attentes. L’ultime morceau, au traits rock offensifs et excessifs jusqu’à nous faire jouir, porte en effet ce nom. Il vous tire dessus, après ça vous vous ferez dessus, salissant vos pardessus. Ses riffs vous mettent à mort, son groove électro, sa verve rap baisent vos mensonges. « Je suis mort en existant », brame le titre d’ouverture; ici on existe, on persiste, en dépit des épreuves et de la Gangrène qu’en mauvaises graines exemptes de scrupules, en Crapules dopées au ridicules, vous tentez de nous faites avaler. Pour le coup, c’est Gangrène qui t’enc+++, cher gouvernant. Grand mal te fasse…pendant que grand bien il nous procure.