Constitué d’un « vieux routard » (Francis Esteves, AKA Cisco), ici rejoint par le slameur Zedrine et accompagné sur scène par un vrai « band », Dum Spiro avait déjà créé la -bonne- surprise avec le bien nommé Hors champ, sorti en décembre 2016, puis Sans titre paru pour sa part en mai 2019. Défrichant comme à son habitude, entre rock, hip-hop et électro dans un cohabitation harmonieuse et tapageuse, suivant un discours au verbe inspiré, il récidive avec Tant que je respire qui, tout de même, inclut au total 5 titres…et pas des moindres. On ne se dira pas surpris, on sait qu’au sein de ses multiples projets, Esteves sait faire. Mais à l’écoute, le plaisir est grand. Non content de marier les tendances avec adresse, pour le meilleur et aux détriments du pire, Dum Spiro dit des choses. Sa poésie fait surgir, à la fois, espoir et désillusion. Elle titille les sens, les sons lui servent d’écrin et au bout du compte, on ne demandera pas notre compte, conquis. L’éponyme Tant que je respire unit rap, touches presque world et traits rock acidulés, pour un début imparable. On respire, le talent du projet éclate à nouveau. On n’en doutait guère mais on en est, forcément, bienheureux. La deuxième bouffée d’air sonore, Tracer les routes, emprunte un chemin vaguement trip-hop, orné encore une fois avec maîtrise. Le décor y est sombre, on y groove au gré de la diction de Zedrine. A deux, ces hommes trouvent…leur route, et en dessinent le tracé suivant une direction musicale audacieuse, pas forcément droite mais très adroite.
On y retrouve, cachés dans les recoins de ce disque de haute tenue, l’enrobage d’un Expérience ou d’un Binary Audio Misfits, combos où Cisco sème, forcément, ses idées porteuses. Ca fait du bien. On se laisse porter, tant par le mot que par l’assemblage malin de Dum Spiro. RDV au saloon (feat. Iraka) livre, en son mitan, une incartade de bout du monde, que surplombe un fond sombre. Osée et dosée, la fusion audible ici crache des sons peu entendus mais qu’on a envie de réentendre.
Bleu pâle, sur un rythme sec, laisse filtrer une électro canaille. Celle-ci lorgne vers l’orient, fait voyager, se durcit à la Orange Blossom quand les sons dark, à la limite de l’indus, s’incrustent. Les chants étendent l’impression de trip à travers le globe, en direction de contrées reculées. L’EP est un joli coup d’épée, inspiré et sans cadre castrateur. Des comètes et des anges, tout aussi dépaysant, ferme la marche. Il nous extirpe de nos bases, oscille entre clarté et grisaille d’un ornement chatoyant, à-normal. Je me rends alors compte, un peu « perdu », que l’EP reprend le contenu du « Sans titre » mentionné plus haut dans cet article. Ce Dum Spiro, on ne sait d’ailleurs jamais où l’attendre, si ce n’est sur le terrain, fertile, de ceux qui oeuvrent différemment. C’est la marque, bien ancrée, des meilleurs et de ceux qui, forts de leur propre approche, inventent LEUR discours. Pour, à l’arrivée et comme sur ce Tant que je respire, nous enivrer de créations dont beaucoup, prétendument « innovants », feraient bien de s’inspirer.