Belge (donc bon? la réponse, en l’occurrence, est encore positive), Shht fait du « space-rock for the now generation ». Celle-ci devrait vite en profiter, c’est pas tous les jours qu’on lui concocte une pop aussi joueuse, aussi jouée aussi, qui sous des abords aventureux prend régulièrement la tangente. Electro à la We Have Band (Heavy Hearts), forte donc d’un groove insistant, elle nous rabat d’emblée les oreilles d’un long format délicieux, Hello? Hello!, qui suinte la danse du hip-hop en fricotant avec le dérangement vocal et sonore. On ne sait plus où l’attendre, il brouille les pistes et suscite la danse. Si on excepte le chant « robotisé », on n’est parfois très pas éloigné du bazar d’un Happy Mondays. Les mélodies pétillent, euphoriques et euphorisantes. Shht propose, de façon similaire à Light Beams récemment chroniqué ici, un son nouveau. Tu te doutes bien, lecteur, qu’il s’agit bien de ne pas le fuir. Parce qu’en plus et sur le dit morceau d’ouverture, il riffe de façon détournée, fait le fou et dégage de la joie. Et sonMorning coffee, sucré, un tantinet tropical, nous retourne le bocal.
A Ghent comme dans nombre d’autres agglomérations du plat pays, on se marre avec la matière sonore. Suite for guitar and vapor met du temps, trop, à se révéler. En même temps vu son intitulé, on ne l’attendait pas très clair. Mais passé sa longue amorce, il nous jette un groove encore une fois dingue, imaginatif, fait de sons géniaux, d’un chant dérangé mais pas dérangeant, loin s’en faut. Tout ça débouche sur une sorte de no-wave poppy à laquelle nous serons fort peu à résister. La chanson en question est de plus vive, elle breake en quittant la terre. Elle se nomme Epos, je n’avais pas noté qu’entre temps, nous avions quitté les rivages abordés par Suite for guitar and vapor. Tout ça est dosé comme à la parade, camarade.
Les gaillards en slip (tiens, leurs compatriotes de The K, auteurs d’un album à venir lui aussi renversant, ont eux aussi cette « coutume ») poursuivent avec Magic man, magic song délicate dans son approche tordue. On ne fait rien comme il faut, c’est pour ça qu’on est bon. L’éponyme Noneketanu, à la peau post-punk nourrie de bruits originaux et d’une belle sensibilité mélodique, nous embarque dans une énième sarabande irraisonnée. Ca fait du bien, de ne pas savoir où on va. Le plus grand bien, quand on a à se fader, à côté de ça, une armée d’albums directement prévisibles. Ici les formats ne sont pas définis, ils évoluent au gré des humeurs de Shht. Ce dernier joue un psychédélisme à la douce furie (Sosume), enchanteur. Et ordonné dans son désordre, lequel constitue un plus…de plus à mettre à l’actif du groupe.
Avec Talk about, Shht hausse la cadence. Le clavier y lance ses trames, on y met des voix qui cette fois encore se nichent dans les recoins de la partition, entre les lignes. Les rythmes, quant à eux, prennent des angles à 180 degrés. Way down, parce que les bons albums, c’est parfois court, vient alors siffler la fin de la part(y)ie. On quitte la maison Shht avec regrets, mais heureux d’en avoir découvert l’orchestre fou et d’en avoir exploré les recoins sonores, que ce dernier titre fait retomber en mettant l’accent sur un chant doux et une étoffe sobre. Sacrée belle surprise, issue, à nouveau, d’une Belgique qui n’a sûrement pas fini de nous régaler.