Accordéoniste atypique, au parcours singulier, Karine Germaix s’évertue à faire sonner son instrument, allié à ses mots, de manière non conventionnelle. Danse contemporaine, cirque, théâtre, nombreux sont ses terrains d’expression et elle se produit aussi scéniquement en France, en Belgique et à l’international. Elle a aussi joué avec Orange Blossom, entre autres, et connaît désormais son instrument sur le bout des touches. Ca lui permet une certaine audace, Ondes étourdies (2013 autoproduction) est déjà venu sanctionner la démarche et celle-ci est à nouveau appliquée sur Incandescence, EP probant où l’intéressée, aidée de Flavio Maciel de Souza à la basse et Didier Fontaine à la batterie, dévie des sentiers balisés. Avec une certaine « virevoltance » (Le pressoir), dans laquelle on la suit volontiers. Dans laquelle on aimerait même la voir s’immerger plus encore car c’est dans ce créneau, distinctif, qu’elle convainc le plus. Elle a déjà le mérite de ne pas se plier aux canons en vigueur, on l’en louera et Je brûle, doué d’une poésie imagée, impose d’emblée les ritournelles du trio. Saccadées, décorées de sons inhabituels, elles font reluire un registre doté de suffisamment d’identité pour être pris en compte.
Lyrique mais pas ennuyeux, déviant, le répertoire de la Dame s’oppose à la conformité. Il renvoie un certain caractère, demeure, parfois, un peu trop sage bien qu’hors-cadre (L’apnée). On sent, nettement, une propension à « faire le mur » musicalement, qui au final survient de manière, à mon sens, trop sporadique.
Des mots crazy, harmonieux, souffle un air de vieille France. Ca donne du cachet, c’est aussi trop posé. Dévie, Karine; deviens folle, on te suivra dans tes abîmes. Tout est dense, nous dit-elle en guise de conclusion. Tout est gris aussi, d’un gris dont la coloration confère d’entrée de l’envergure à la terminaison. On attend cependant que le rendu s’envole complètement, comme pouvait le faire l’opus précédent. L’univers est certes attractif, il se démarque mais on sent encore une forme de prudence. J’attends d’être, au delà du fait d’être surpris, bringuebalé, malmené, cloué dans mes sensations par une foule de sons qui bruissent et luttent d’intensité. En lieu et place, j’ai pour mon plaisir un EP qui aiguise l’envie, qui du coup frustre quelque peu lorsque sonnent ses derniers accords.
Notons un très beau digipack aussi, accompagné de cartes sérigraphiées, recto/verso et en édition limitée, signées et numérotées par l’artiste Mickomix. Ca contribue, bien entendu, à singulariser Karine Germaix, dans l’attente d’incartades plus vertigineuses dont on la sait capable quand L’incandescence, dans ses moments d’insoumission affirmée, ose franchement désobéir et percuter les sapins au bout d’un hors-piste digne d’intérêt.