Trio féminin issu de Genève, où apparaît Simone Aubert (Hyperculte), qu’accompagnent Māra Krastiņa et Colline Grosjean, Massicot fait dans l’étrangeté sonore en or. Hébergé par un label tout aussi décalé, Les Disques Bongo Joe, le groupe surprend donc de manière fort agréable avec son Kratt, nouvel opus où l’africanisme groovy et déviant des Talking Heads fait souvent surface, pour au final réjouir nos écoutilles qui, de fait, frétillent. A, en ouverture, les stimule, les fait onduler au son d’un ludisme qui permet à ces 3 là toutes les audaces. On trippe aux notes d’une zik qui s’adresse à la tête autant qu’aux gambettes, qui ne resteront pas figées face à la création inédite des Helvètes. Loin de là, même; après l’amorce, Sulca kungs fait résonner son post-punk des îles pour un autre voyage sensoriel. Les sons tombent en pluie, bruts et finauds. On dirait de la tropicale cold-wave, me dis-je alors qu’avec ce type d’album, la dernière chose à faire est de tenter de le classifier. Je pense, aussi, aux écarts d’une Lizzy Mercier-Descloux.
L’éponyme Kratt en ressert une belle louchée; voix unies, groove dénudé et pourtant si intense débouchent sur un son encore peu entendu. Ici on s’amuse, mais de ce jeu, on fait quelque chose de cohérent dans son aspect lo-fi, bricolé…avec la mainmise de celles qui ne foirent jamais leur essais. Cuska, entre le groupe cité plus haut et Gang of Four pour ses riffs secs, se rangera lui aussi au rayon des inclassés. Que rejoindra Kubiks Rubiks, sorte de dub fou dont les filles ont le secret…bien planqué dans les recoins de leurs cerveaux assurément imaginatifs.
Kokteilis, remuant, se fend de boursouflures noise. En même temps il danse, loin d’être rance. La capacité de Massicot à imposer du nouveau me fait songer, le rapprochement est bien sûr créditeur, au 69 d’Armand Gonzales avec sa compagne Virginie. Fin du monde, faussement serein, s’anime sous le joug de percus bancales. Soniquement, c’est du grand génie, versatile et splendidement créatif. Indonezia, dans ses pas, se ferait presque psyché. Un psychédélisme de bout du monde, loufoque, prenant, exotique et vocalement dément. A l’instar de Vasarnica, qui crée à son tour un langage singulier qu’il est bon d’explorer à outrance.
Hypnotique, trans-genres et sans équivalent connu, Massicot évolue à contre-courant. On ne peut, à l’écoute, rester en place. Tant physiquement que mentalement, on décolle. On y est secoué, en d’autres recoins bercé au rythme presque inerte d’une trame haut perchée (Saule). Hors du commun, Kratt provoque des dommages qu’il serait…dommage, justement, d’esquiver. On y replonge donc volontiers, plusieurs écoutes étant de toute façon nécessaires à ce que l’on s’imprègne de façon pleine et porteuse de ses fréquentes sorties de pistes. Excellent.