Ces Bruits de Lune instigués par Radio Campus Amiens (« Radio Campus Amiens? Bah c’est bieenn… »; ceux qui écoutent savent, 87.7 Lucette!), c’est du bruit gratuit, des chroniques ou interviews à la fois instructives et dérisoires, j’entends par là un brin moqueuses, dans la bienveillance, envers les artistes « honorés », du rire, donc, et de la découverte. En cascade. De pépites en devenir, du cru, comme l’est Ocean qui eut l’occasion, à l’issue d’une intervention de l’équipe Bruits de Lune sur la procrastination (j’en parlerai demain), d’ouvrir le bal. Affublé d’un accoutrement qui, déjà, attire l’attention, c’est par son genre musical (psychotrap?), créé à partir de ses écoutes et basé sur un hip-hop aussi suave que braillé, au mots et maux forts, qu’il nous séduira. Adepte d’un DIY affiché jusque sur son corps, il surprend. Son charisme déjanté fait mouche, son groove électro-rap ravageur aussi. Son verbe n’est pas vain, pourtant il enivre. Le mec a des choses à dire, à crier, à évacuer. Il a trouvé le support, novateur et décalé, pour le faire et ce faisant, nous plaire. Mon coeur ou High, entre autres morceaux atypiques présentés au public amienois, le créditent et le dévoilent à nos écoutilles, qui ne peuvent qu’accueillir avec joie ce bruit en marge des convenances. Il dépeint la vie, ses épreuves. Non-conforme, comme écrit sur sa peau, il a d’ores et déjà atteint un nombre de vues conséquent sur Youtube et si habituellement le fait n’est pas forcément synonyme de qualité et encore moins d’authenticité, avec Ocean c’est le cas.
On se félicite d’être venu, ayant en poche une première trouvaille de taille. Qu’on suivra bien entendu attentivement au vu du potentiel développé, et compte-tenu de la vérité affichée en interview au terme du concert. Passé les traditionnelles questions au public, places de concerts à la clé (je suis toujours incapable d’y répondre et pourtant, les questions sont données lors des chroniques, soit quelques minutes auparavant), c’est une second coup de semonce qui s’annonce avec Ménades, dont je connais l’impact pour l’avoir vu il y a quelques mois dans un autre lieu, aussi précieux, de la ville.
J’en jubile à l’avance; Ménades, c’est du rock de caractère, qui te soulève de terre (Se traîner, taillé dans un rock rauque) pour ensuite t’y déposer en te berçant avec classe (Contradictions). C’est remuant, c’est bouillant, ça te jette à la tronche un charisme brut et décisif. On joue fort, le temps que Le brouillard de l’alcool se dissipe. On s’appuie sur une langue française expressive, on groove en ondulant (Aux abords de la ligne maritime). Aussi à l’aise dans des galops noise que lorsqu’il étincèle et se fait doucereux (Time is dying), Ménades fait de la scène un terrain de jeu qui lui donne du galon. En voilà, encore, qui ne font pas semblant. Un EP est sorti en 2018, mais le combo parisien mérite plus. Un album serait le bienvenu tant le quintet, soudé, se montre performant et pertinent. Un espoir d’envergure, à n’en pas douter, qui mérite à l’instant d’Ocean d’être soutenu et entendu. Le tout en alliant le féminin, sous les traits d’une tigresse-frontwoman très en vue et de son acolyte guitariste, et le masculin qui, à l’unisson, ferraille sans fléchir. Du tout bon.
Bruits de Lune n’a donc pas failli dans sa mission, louable: susciter la découverte, aiguiser la curiosité, amener son public à l’ouverture, semer ça et là bonne humeur et partage porteur. On l’en remercie; il fait partie des événements qui, sur la place amienoise, s’inscrivent tout à la fois dans la durée et la qualité. Avec l’écrin lunaire comme lieu d’accueil, toutes les conditions sont réunies pour qu’à de nombreuses reprises encore, nous bénéficiions des idées fertiles de sa « team », qu’on tient bien évidemment en haute estime. Dans l’attente, embellie par les lives organisés en ce lieux, des 2 prochains soirs à ne pas rater et résultant du labeur de l’équipe de Radio Campus: la Happy Birthday Party du 6 mars, avec entre autres Les Morts vont Bien et Amour Formica (du local, encore une fois, de haute volée), ainsi que le Bruits de Lune du 18 mars avec Na! et Choqueuse.
Photos William Dumont.