Figurant parmi les plus glorieuses représentantes d’une dark experimental electronic music qu’elle fait régulièrement étinceler dans sa grisaille, Camilla Sparksss, auteure il y a quelques moins d’un concert magique dans la Lune des Pirates de ma ville, voit aujourd’hui son Brutal, dernier album en date de la Dame, remixé par 16 artistes aux genres variés. Avec pour trait commun une base électro, certes, mais délibérément différents de par leurs genres de prédilection. Ca s’appelle en toute simplicité Brutal remix, ça sort chez On The Camper Records parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Et surtout, ça envoûte. Car le panel, souvent sombre, délivre une diversité d’ambiances qui tantôt incitent à la danse, tantôt stimulent l’esprit et le font voyager en lui imposant un trip psychique définitif (Messing with you retravaillé par Mike Mare, soit…Dälek). C’est d’ailleurs Fakear qui génère la première trouée, cosmique et dansante, en s’en prenant à Are you ok?. Bien sûr qu’on est ok, les intervenants parvenant, ici, à recolorer l’oeuvre de la grandiose Camilla sans pour autant lui enlever de sa superbe. Une seconde vie par des musiciens qui dévient, voilà comment on pourrait qualifier l’objet. De plongées underground en virée direction la lune, on en deviendra vite accroc.
Les textures changent mais l’attraction est intacte. Womanized, pépite parmi d’autres de la Canadienne, est relifté avec maestria par Rebeka Warrior (Sexy Sushi, Kompromat, Mansfield TYA). C’est l’électroclash, à la croisée de l’obscur des bas fonds et d’une touche céleste qui nous fera décoller. Alors que Bit Tuner, beat-maker suisse, fige Messing with you dans une lancinante progression qui elle aussi bouscule les sens.
Les choix sont bons, notre Vadim Vernay local puisque basé à Amiens prend ensuite les commandes de Psycho lover pour l’emmener dans les cieux, le rendant songeur et le décorant de motifs décisifs. Des voix de mâle déglinguées y apparaissent, le remix est à nouveau et à l’instar des autres abouti. On ne se contente pas d’intervenir bêtement et sans prépenser son labeur; on y met de ce qu’on est. C’est bien évidemment préférable. Vadim revient d’ailleurs pour remaquiller Sorry, délicatement et dans une forme de perversion climatique, d’alliage dans les chants à nature rêveuse, qui touche le milieu de la cible en s’emportant progressivement. Si les remixeurs proviennent de partout, l’Italien Xelius propulsant So what dans des sphères nébuleuses chaotiques et de caractère, ils parviennent à re-sublimer un disque déjà, à la base, plus que significatif. C’est du bon bouillon, on en avale à peine les premières gorgées que Sonoplasta revoit Womanized, en faisant un essai crépusculaire où boucles et sons drapent leur homme dans une atmosphère de milieu de nuit. Comme dans un rêve semi-éveillé, avant que le batteur de jazz expérimental Kevin Shea ne triture Walt deathney en y associant cadence leste et marquée, sonorités en cascade et touche ludique dans le traitement sonore. Alors que Monte Mai, sur Forget, place rythmes entre l’hésitant et le plus vif, bruits encore une fois marquants (c’est une constante chez les différentes personnes conviées), pour créer à son tour un climat à prendre en compte.
Indéniable réussite, Brutal Remix convie ensuite Isolated Lines, qui convoque sa techno expérimentale pour assombrir So what et le faire galoper, sous le joug d’un battement électro insistant. On est pour le coup dans une songerie enlevée, Tam Bor se charge dans l’élan de donner une tournure rock à She’s a dream, tout au moins dans les sonorités, tout en le séquençant habilement. Du dansable hors-convenance, c’est ce qui pourrait décrire l’intervention du Mexicain et au delà de celle-ci, l’ensemble des nouvelles versions proposées. Toh Imago ne déroge d’ailleurs pas; son So what s’adresse toutefois plus à la tête, qu’il fait tourner à l’aide de sons psyché bien perchés qu’un rythme grandissant vient emporter. Tandis que Bitter Moon remixe après lui le même titre, de manière sidéralement sombre, pour amener à son tour une touche « maison » vivace après s’être dans un premier temps tenue à une « inertie » digne d’intérêt. Le nombre des remix -16, tout de même, au compteur- n’entrave en aucun cas la valeur de ce qu’on peut considérer comme un véritable nouvel album.
Et effet et comme dit plus haut, les revisites sont effectives, jamais bâclées. Texture Droite, de chez nous, se saisit d’Are you ok?. On adhère à nouveau, ses boucles répétées l’incrustent dans les esprits. Enfin, IUEKE livre un She is a dream d’abord dénudé, épuré, avant qu’un rythme lourd ne survienne, sans éliminer la finesse du propos mais en y greffant une note souillée, salie, qui en réhausse l’intérêt. Il est alors temps de represser le Play, pour un nouveau trip aux nombreux effets addictifs.