Hommage à Terry Turtle, décédé fin 2019 et étroit collaborateur de Billy Brett dans le cadre de Buck Gooter, Should Today (le seul écrit trouvé au domicile de l’artiste suite à sa disparition) regroupe divers morceaux du projet, sortis entre 2008 et 2015. Avec une belle série d’inédits dans sa besace, il est de plus soniquement abouti, expérimental évidement, cru et minimal. Evil, où riffs noise et cadence lourde issue de l’indus convolent, sur fond de chant un brin mélancolique, ouvre la voie. On en est dans du brut, qui étale la dextérité du duo dans l’élaboration de morceaux sans failles, dos tourné aux conventions et à la surenchère d’effets. Judith Scott, bruitages indus en sus, confirmant le constat. Entre penchants granuleux et lyrisme déjanté, il y a Buck Gooter et il faut le dire: la paire est dotée d’une réelle identité musicale. Stone the drones, rock et électro, toujours sous le sceau de motifs indus, riffe cru et dru. Dans des atours sobrissimes, on va à l’essentiel et le rendu ne souffre aucune critique. Le son est live, vrai, à peine peaufiné. Idéal pour des musiciens aussi authentiques, qui avancent à la passion et à l’insoumission.
Fork tongue exhale une trame bluesy triturée, toujours sans ajout superflu. Joshua rising, quasiment a cappella en son début, se fait ensuite noise-indus, féroce dans le chant, étayé, encore, par des sons simples et pourtant si bons. L’exotisme déglingué de Skunks are cool, à sa suite, groove follement. Impressionnant en live (incroyable ouverture pour A Place to Bury Strangers, en avril 2018, à la Lune des Pirates d’Amiens), Buck Gooter n’est pas en reste sur sillon.
Pigs are cool, pas loin du funky blues taré, fait mouche lui aussi. Complémentaires, Terry Turtle et Billy Brett défrichent, dénudent, élaguent, et détiennent depuis longtemps leur propre cachet sonore. Jammin’ With Da Whales, spatial, fait dans le psyché de haute altitude, malheureusement un peu bref pour complètement nous emmener. Fracking up the planet, teinté de blues également, met en avant l’attitude lo-fi du projet. Plus plausible encore, Buck Gooter brille dans ses essais génialement primitifs. Le qualificatif n’est d’ailleurs pas complètement adapté tant on décèle, ici, une inventivité doublée d’idées étayantes.
En guise de conclusion, après un indéniable sans faute, Who put you in charge? s’approche de l’étrangeté d’un Tom Waits. Il dévie, soniquement, de manière comparable. Dans le chant, entre douceur et organe grave pas loin du crooner, il oscille. L’égard est superbe, Turtle aurait approuvé et Buck Gooter, bien que maintenant « amputé, continue à imposer son registre captivant, sans courbettes, réservé aux initiés et par conséquent d’autant plus estimable.