Formé par Robert Poss en plein foisonnement « late 80’s » avant de sortir de fabuleux albums dont aucun n’a réellement trouvé le succès qui aurait du lui échoir, Band of Susans est honoré d’une réédition de son ironique -dans le titre- Here comes success, dernier opus en date (1995) du combo New Yorkais (et pas des moindres!), à l’initiative du label Replica Records. Et plus précisément de son sous-label Replica Nova, dédié aux ressorties de joyaux, tombés dans l’oubli, d’opus de rock dissonnant issu des 90’s. Grand bien nous fasse, l’idée est splendide et le disque tout autant. S’il constitue pour le groupe son chant du cygne, celui-ci vaut la peine d’être écouté et même bien plus; on l’usera jusqu’au dernier souffle de nos lecteurs, pour peu qu’on soit inconditionnel des 90’s et de ce rock sauvage mais aussi mélodieux dans le chant, aux atours changeants sur des morceaux pouvant parfois avoisiner les 10 minutes de durée.
C’est d’ailleurs avec Elizabeth Stride, qui débute comme un Chokebore dans ses moments de quiétude, magnifique, que « Le Succès Arrive ». A l’écoute, on comprend d’autant moins la frilosité de l’acheteur; c’est déjà une pièce monumentale qui nous est livrée. Voix sensible, montée insidieuse, éclat des notes qui bientôt exploseront en parfaite symbiose avec la rythmique; il y a déjà tout, d’emblée, pour passionner le quidam. Et c’est sur 3 longs formats de la plus consistante des matières que Band of Susans, sur Here comes success, entame son dernier vol. Que des embardées noisy à la Sonic Youth, magiques, viennent souligner. Ainsi, Dirge démarre avec une basse charnue, traverse des terres pop acidulées dans leur beauté, aux motifs une fois de plus grandioses. Si l’on reste, pour le coup, dans une retenue grondante, Hell bent, qui suit, riffe de suite avec allant. Vif et saccadé, il sue une trame instrumentale nerveuse.
Passé un As luck would have it trop court pour influencer le contenu, Pardon my French voit le chant s’enhardir, se faire plus vindicatif. Ca passe de la même façon, le titre en question est un modèle de rock indé tout en muscles, avec la « nuance nuancée » qu’il faut pour, à l’arrivée, générer un standard ombrageux. On est encore, ici, sur un format étiré dans lequel des retombées shoegaze trouvent place, déchirées par des guitares qui forcément ont leur mot à dire, ou plutôt leurs accords à cracher. Sorti à l’origine chez Blast First, grosse référence s’il en est, le disque en surpasse bien d’autres et même aujourd’hui, il mettrait à mal bon nombre de sorties pourtant méritantes. Stone like a heart et ses riffs secs, son ambiance jazzy-noisy, macule l’entourage de toute sa classe. C’est du vicié-classieux, du rock bourru à l’élégance, en toile de fond, décisive.
Comme si ça ne suffisait pas, on s’infuse après cela les 10 minutes de In The Eye Of The beholder (For Rhys), hommage, bien évidemment, à Rhys Chatamm qui fut pour Robert Poss une influence majeure. Majeure, la chanson l’est; longue plage noisy à la progression lancinante, elle touche presque à un post-rock dont on aurait extrait les trop nombreux moments d’ennui, de motifs contemplatifs qui font reposer le casque. Le répertoire, là, est souillé, écorché, et sa répétition en assied la majesté. L’absence de chant n’est aucunement préjudiciable, comme sur Sermon On Competition, Part 1 (Nothing Is Recoupable), qui met fin à l’aventure. Une conclusion musclée, sur « seulement » 4 minutes compactes et sans temps mort, qui laisse libre cours à une giclée indénoisy de bure et de toute première bourre. On n’a alors plus qu’à remercier et féliciter les instigateurs de la réédition, plus que judicieuse, dans l’expectative de « reissues » à venir de valeur égale.