A l’aube de la parution d’un Petit tas #1 qui en précédera bien d’autres, questions au duo Alexandre Berton/Emma Hocquellet, dépositaire d’un univers loufoque et inventif…
1) Jogging, patronyme à consonnance sportive! En quoi s’applique t-il a ce que vous faites sur le plan sonore? Est-ce pour vous un «sport», ce collage musical que vous pratiquez?:)
Jogging c’est le son de ce mot, très agréable; avant de faire ce duo je me disais depuis longtemps que j’aurai un jour un groupe avec ce nom. C’est aussi l’allure du Jogging; une allure moyennement soutenue, sinon ce n’est plus du Jogging, et Jogging c’est un projet moyennement soutenu, semi festif, semi contemplatif, semi intimiste, semi politique.
On est sur du semi, du moyen, on est sur la ligne du moyen, on malaxe le moyen, on est dans le ventre mou du moyen que l’on habite avec une passion tout à fait moyenne.
2) Vous évoluez dans une formule minimale, pour un rendu plutôt minimaliste! ; c’est pour vous un credo, un leitmotiv?
Oui la maigreur, dans le sens de la longueur et de la largeur, de la forme aussi; on enlève, on élague en permanence, et aussi on ne choisit pas tout. On est la, on est deux et voila. C’est pratique d’être deux, et c’est sur aussi que la matière de Jogging se travaille bien à deux.
3) Pour en revenir à vos Petits tas, Petit tas est-il voué dans vos projets a «devenir grand», a dévoiler au plus grand nombre la nature de vos essais?
Un petit Tas c’est « l’entre deux ou apparaissent les squelettes de futures constructions,ces instants ou tout est en mouvement » et je cite la Guillaume Querre à qui nous empruntons ces Petits Tas (pour notre et nos futures pochettes) qui sont des peintures numériques.
J’aimerais que les concerts de Jogging ressemblent à ce que je ressens en regardant ces petits Tas. Tout ça pour dire que nous on veut faire des concerts où l’ on peut jouer nos morceaux, faire nos improvisations et tout ça avec des gens qui écoutent. C’est beaucoup mieux avec des gens qui écoutent, quitte a dévoiler au plus grand nombre toute nos tentatives.
4) Sur le plan textuel, Alexandre, comment t’y prends-tu pour «fabriquer», comme lu dans votre bio, tes «Lyrics»?
Je vais appeler mon biographe pour qu’il retire ce terme de Lyrics, ça ne colle pas du tout. Les textes, c’est un Aller Retour permanent entre le cahier, les notes et le derrière de la batterie sans cahier, sans notes, pour ne garder que du jus de Jogging qui raconte en peu de mots ce qu’il y avait dans ces gros blocs de départ ; la musique, le son , l’improvisation faisant le reste.
5) Emma, par extension à la question précédente, comment arrives-tu à te greffer aux mots loufoques de ton acolyte batteur?
C’est une greffe à l’usure! Alexandre arrive avec des morceaux, on les essore un peu et c’est dans la réalité d’un concert, d’une durée que l’on voit si tous nos greffons ont pris. Et puis ils ne sont pas vraiment loufoques ces mots, beaucoup de premier degré finalement, que l’on arrange les morceaux avec ou contre ces mots les partis pris sont généralement assez clairs pour y trouver sa place presque facilement.
6) Votre tout premier essai inclut 19 titres, vous projetez d’ores et déjà a intervalles réguliers vos «Petits tas»; y’a t-il chez vous une forme de «soif de produire», un côté compulsif dans le fait de composer?
C’est qu’on est musiciens, on peut dire que c’est notre métier même, du coup on est a la tâche assez souvent, on devrait même surement produire deux fois plus. Les Petits Tas c’est surtout que cela correspond à notre capacité à enregistrer régulièrement et correctement de petites quantités de musique. Cela nous laisse la possibilité d’évoluer rapidement d’un Tas à l’autre.
7) Vous faites partie d’un Collectif (Capsul Collectif), qu’est-ce que ça vous
apporte?
Capul Collectif c’est une coopérative de musiciens qui font des groupes, le collectif est basé a Tours et il s’agit d’entraide, de mutualisation; cela facilite le fait de faire, de produire, de diffuser la musique que l’on fait. Il y aurait beaucoup à dire, ce qui est sûr c’est que tout serait beaucoup plus compliqué sans.
8) On évoque souvent la difficulté des groupes à vivre de leur musique, quel regard portez-vous sur cet aspect des choses?
En même temps la musique est un sport de riche donc bon, faisons-en un sport de pauvre avant et ensuite on se demandera ce qui est difficile. Et puis il ne s’agit plus de musique a cet égard, aujourd’hui il est difficile de vivre tout court quand on est dans la case des dominés, et tous les samedis c’est le pot de départ du service public.
Personnellement je suis de moins en moins affûté en marketing conceptuel philosophique et politique. J’ai déménagé dans la foret, je greffe des plantes, je regarde pousser. On s’aide, on s’organise et on vit avec moins à la bordure de ce système.