Basé en Belgique, un brin énigmatique (voilà déjà une rime Karim, mais là n’est pas l’objet), Radikal Kuss pratique une techno-EBM chantée, alerte, sur ce Laster und Tugend qui met à jour, sur un ton amèrement poétique, des faits « divers » un peu trop récurrents qui ne se produisent pas que l’hiver. On se laisse facilement entraîner; l’explicite Ca suffit!, clippé avec réalisme et acuité, allie spirales synthétiques incoercibles et textes narrant la dérive. Comme si, finalement, c’était justement et « tout bonnement » dans une spirale que nous chutions. Et c’est le cas. En plus d’instaurer un canevas qui fera mieux que plaire, Radikal Kuss fait preuve de cohérence entre mots et maux, entre sons et démons aussi. Ses essais underground -on n’en trouvera ici que 3 mais leur valeur fera notre bonheur- dépeignent une vérité dans les abîmes de laquelle, avec une dextérité audible, ils plongent ceux qui s’intéresseront à leur oeuvre.
Avec le chant en Allemand et Espagnol de mujer ùnica, où Susi Vogel et Pedro P.Robles, non contents d’amener de l’exotisme dans leur registre par le biais de leur langues natales respectives, dialoguent sur le thème de l’unicité mise à mal, de l’incertitude d’un futur de plus en plus flou et angoissant, il se confirme que Radikal Kuss, ici remonté et bien en phase dans les vocaux, broie du noir pour réveiller l’espoir et, au bout de ses constats, nage au dessus du tas. Les « lyrics », sur ces 2 morceaux parfaits aucunement surfaits, émanent d’ailleurs de la plume de Pedro P.Robles, AKA HIV + en ce qui concerne Ca suffit! alors que pour mujer ùnica, chacun a écrit sa partie textuelle. Taxi Girl est évoqué à son endroit et il y a de ça oui, dans ces mots dégoûtés et désenchantés dont les traits poétiques tentent d’alléger le poids.
Laster und tugend est un EP de tout premier choix, qui contourne l’option du « tout rythmique » instrumental sans génie qui, très souvent, me fait fuir (entre autres) les fins de festivals. Souterrain et servi par des sons imaginatifs, des cadences denses et des incrustes de guitares drues délicieuses (l’éponyme Laster und tugend, terminaison dans l’excellence et la déraison, signée Susi Vogel sur le plan littéraire), il s’écoute sans discontinuer. Un chant féminin mutin orne d’ailleurs le dit titre, ça me conforte dans l’idée que l’EBM-techno dotée de voix est bien plus attrayante que dénuée de voix. Au delà de cette considération personnelle, l’attention portée à Radikal Kuss sera soutenue. On espère une suite à ces 20 minutes de félicité auditive et sensitive, à ces torrents de claviers cold et parties vocales vindicatives, éléments décisifs d’une sortie sans mauvais plan. Ca suffit!…pourtant pas; Radikal Kuss aiguise notre attente, l’EP notre appétit. De son, de révolte, de son révolté devrai-je alors dire. C’est parfois la seule issue bienfaisante, et efficiente, face aux écarts sociétaux et à l’indigence à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés.
Info « de dernière minute » précieuse; mes investigations poussives mais productives m’informent de l’existence d’autres essais! Der Anfang der Schlacht, ep datant de juin 2018, ainsi que Maschinenfabrik qui remonte lui à juin 2019 (parution chez Unknown Pleasures Records pour le premier, Nu Body Records pour le second), sauront entre autres efforts notables satisfaire nos attentes après donc, Laster und Tugend.