Trio toulousain au psychédélisme ayant d’ores et déjà enflammé moult scènes d’ici et d’ailleurs, à l’occasion de tournées marathon, Slift revient avec Ummon, sublime disque où tout est « plus »: plus heavy, plus obscur et plus puissant encore sachant que l’oeuvre précédente du combo, La planète inexplorée (septembre 2018) valait déjà son pesant d’investigations poussées. Ici, les 2 frères (Jean Fossat – Guitar, Synth, Vox, et Rémi Fossat – Bass, Vox), flanqués de leur acolyte Canek Flores – Drums, Percussions and Farfisa, tirent un premier boulet rougeoyant sous la forme du titre éponyme, enlevé mais pas dénué de finesse, au sein duquel les chants se répondent en s’opposant dans les timbres, tandis que le flux kraut-psych imposé ravage tout sur son passage avec classe et force. Figurez-vous que l’exécution va durer onze titres, incoercible. Dans la maîtrise de son art, y allant de ses quelques solis sans le côté « t’as vu c’que j’sais faire », Slift va nous trousser un album majeur. It’s coming, aux assauts sombres et saccadés, nous le fait à nouveau pressentir. Flammes psyché ardentes et climats changeants, entre le retenu et le débridé (la force de frappe est, sur Ummon, considérable) faisant du dit titre une nouvelle pépite, dans un disque où on ne trouve de toute façon que ça.
Les sons fusent (Thousand helmets of God), l’écoute donne la sensation d’une plongée dans un cosmos tourmenté où ça et là, des répits bien amenés s’offrent à l’auditoire qui trouvera cependant un plaisir non-feint dans les tirs nourris de Slift. Ummon narre, soulignons-le, l’exil des Titans vers les confins de l’espace à la recherche de leurs créateurs, et le retour du Titan Hypérion sur Terre. L’opus est justement titanesque; dans le son, dans ses structures, dans les voix qu’elles soient tenues ou puissantes. Sur des durées étirées, les Occitans inventent des épopées mémorables (les 10 minutes passées de Citadel on a satellite). La finesse des breaks, leurs scories aux effets mentaux certains, constituant un atout de plus pour les 3 comparses.
En nous gratifiant d’attaques pas loin du métal, « doomisantes » par instants, les conséquences n’en sont que décuplées. On y place des motifs subtils, puis on en revient à du heavy-psych pur jus (Hyperion); tout ça est parfaitement pensé. Altitude lake, au début délicat, déroule ensuite son tapis psyché lancinant, leste, aux guitares rugissantes et chants célestes. Rien à redire, en termes de qualité comme dans les constructions usitées, sur ce Ummon qui, le groupe se fendant prochainement d’une tournée une fois de plus durable à travers la France, l’Espagne et la Belgique (ils passent à Beauvais et Saint Quentin; je risque d’en être et suis le dernier à m’en plaindre, les ayant par ailleurs déjà vus lors de l’immanquable Celebration Days Festival), provoquera sans nul doute des mouvements de foule, et de tête, fréquents. Tout en écarquillant les yeux à l’écoute des sons finauds que Slift place au recoin de ses compositions, telle Sonar.
En extrayant le quidam de sa zone de confort, c’est là le propre des albums les plus audacieux, les plus aboutis, Slift frappe fort. Il caresse, aussi, de par les chants de Dark was space, cold were the stars. Intelligent, il évite le tout-puissant, détenant les aptitudes à élaborer autre chose, à investir un terrain plus « pré-pensé ». Ses plans kraut obsèdent, ses atours ténus et spatiaux font de même (Aurore aux confins).
Il incruste d’ailleurs, à ce moment d’Ummon, une accalmie marquée, classieuse (Son Dông’s cavern), qui fait retomber la pression après ses vagues, ses déferlantes même qui nous feront échouer, secoués mais ivres de bonheur sonique, au son d’un Lions, tigers and bears bien kraut, mais d’un kraut sonore et en or. Une aventure de plus de 13 minutes, haut perchée mais agitée, forte, encore une fois, d’atmosphères successives imbriquées avec le talent des excellents. Chant remonté en sus, c’est un must que Slift nous bâtit là, concluant son ouvrage de la meilleure des manières. Il peut partir sur les routes sans craindre la déroute, il y est attendu avec impatience et les essais de ce Ummon homérique lui vaudront à coup sûr les vivas mérités des foules rencontrées.