Trio où apparaissent MC Vieillard – gros muscles, petit sampler, chant; DJ Conant – MAO, synthé, chant et Sam – guitare, Vulves Assassines font du punk-rap et dans ce cas, je n’ai rien dit d’elles. Car le spectre musical de ces donzelles au langage constamment en fleurs est large et, derrière des aspects délirants, dit parfois des choses qui nous feront penser (et décompenser). En dehors du fait que le disque, lui, nous fera secouer la tête sans prêter attention au sens de rotation. Godzilla 3000, c’est son nom, catapulte effectivement sons synthétiques en nappes simples et étayantes, guitares de bâtard (autant continuer sur ce registre…) et paroles folles, pour générer un truc de taré. C’est moi qui t’baise, par exemple, rassemble sous son propos singulièrement mordant tout ce qui fait la force du gang du 9.3; sons qu’on retient, agressivité mise avant tout au service du rendu final, groove de tous les instants. Alors que l’éponyme Godzilla 3000, qui lâche les premiers mots distingués, tire une roquette électroïde imparable, dotée de scansions drum’n’bass. Ode à la poésie, mais pas celle de Verlaine, l’introduction est représentative de la direction prise par ces Vulves Assassines qui effectivement tuent, et du registre qui est le leur, ouvert et sans limites réellement balisées. Derrick était un nazi, claviers froids en bandoulière, enchaîne et ses guitares donnent le change aux motifs des machines, sous couvert de paroles mettant « à l’honneur » une « superbe » série télévisée (rigole pas, t’as r’gardé…).
On finit, à force de déviance sonore et littéraire, par sombrer dans le Bien-être. Si tu fais gaffe à tout c’que tu bouffes, t’es mal barré; ce titre t’est dédicacé, tu finiras par aller bouffer du Nutella. A la cuillère, avant de t’enfiler (pardon..) un Chômeur branleur qui achèvera de te faire prendre conscience de ton insignifiance. Insignifiant, Godzilla 3000 ne l’est pas: s’il fauche des chevilles, il renvoie assez d’imagination, et de morceaux valables, pour qu’on le prie de nous malmener. En plus c’est pas dur, suffit d’appuyer sur Play (ça veut dire jouer) et comme t’es au chômage, eh ben t’as largement l’temps.
Une fois l’hommage passé, Colis suspect t’éclate lui aussi à la tronche. Son électro tapageuse te terrasse, suspecte et directe. La bienveillance de la surveillance y est évoquée, ça débouche sur une courte (La) bagarre et à l’arrivée, C’est moi qui t’baise. Les fils à papa en prennent plein le baba, dans le discours certains diront que c’est du n’importe quoi (qui nous laisse cois) mais ils se tromperont: ça met l’accent sur le con, le stupide, sur le creux de l’être, et ça parle au passage de sujets pas niais. T’façon J’m’en branle, je reviendrai avec mon gang!. Avant ça j’aurai dansé une Cumbia, celle de Mileva, qui dénote et dépayse dans ce Godzilla 3000 craché à 3. Puis j’aurai profité des élans orchestraux, brefs, de J’aime la bite mais pas la tienne, qui vire bien vite en exercice électro salace et pourtant pas dégueulasse, un peu comme si Stupeflip avait enlevé son slip.
Tiens donc, c’est La belle langue de Molière qui est ensuite passée au crible. Un comble! Qui nous comble, pour peu qu’on soit prédisposé à en entendre du bien vert, du fleuri (mais pas pourri), cette fois sur un ton presque enjoué dans ses incartades claviertisées. Ca me rappelle, tout ça, Schlaasss, récemment vu à l’Ouvre-Boite (non, pas bite..) de Beauvais. Et ça donne un disque largement estimable, même dans ses mots pas aimables. Parce que les gonzesses, elles en ont dans les fesses; elles savent faire, se démarquent et laissent leur marque. Un oiseau au paradis, qui clôt les (d)ébats, le fait sur un ton pour le coup réellement poétique, volontairement distingué, plutôt délié. En contraste marqué avec le reste, il s’envole ensuite, soupire de façon explicite, pour finalement retomber dans la versification.
Devant nous, l’infini, conclut-on; c’est malgré tout fini et les Vulves Assassines viennent de commettre un méfait bienfaisant, un premier album sans baume digne d’être maintes fois écouté. Le tout suivant une posture clairement féministe, qui bien entendu les crédite.