Duo issu de Tours et du Mans, Jogging a déjà livré en bon sportif un premier disque, éponyme, en juin 2016. On y trouve, dans un ordre désordonné, spoken word, impro à tous les étages, rock indé et loufoquerie. C’est haut en couleurs, c’est pensé par une paire –Alexandre Berton et Emma Hocquellet– , qui fait usage d’un panel que l’on peut résumer ainsi: il y a une batterie, une guitare, un micro et un pad, tout cela joué par un batteur qui fabrique aussi les textes et il y a aussi plusieurs claviers synthés joués par une spécialiste (merci la bio, pour le coup la paresse me caresse).
Ceci étant dit, on se doute que le rendu dénotera. Génialement. Jogging, qui pourtant ne se presse pas, ayant d »une part décidé de nous refiler, tous les 2 mois, un Petit tas. L’idée provenant d’une série de tableaux de l’artiste plasticien Guillaume Querre (qui illustreront chaque sortie d’album) intitulé « Ceux qui restent, objet petit tas, N ». Ce « Petit tas #1 » est donc le premier de la série prévue et de suite, la poésie barrée du duo, ses spirales sonores fertiles, le mettent à l’écart. De la médiocrité, car ils nous en mettent, dans ce registre, plein la vue. Et ce en tout minimalisme dans l’attitude. Et Pourtant, Ca craint, affirment t-ils en guise d’introduction à leur univers dingue. Pas d’accord; la folie de ces 2 là, on s’en entiche. Elle ne se qualifie d’ailleurs pas; textes étranges, dont le sens ne se révèle pas de suite, genre perché entre spoken word, rythme touchant au (tr)hip-hop et salves de sons fous font bon ménage. Ca craint….pas du tout, en fait. (Le programme), plutôt alléchant, jette un bluesy-spoken word bricolé, bref mais qu’on gardera dans la caboche un moment.
On croirait entendre, dans le chant, un Philippe Katerine au sommet de son étrangeté (Le sens de ce mot), qui verserait dans l’expérimentation, se perdrait entre synthés géniaux et voix folle, rythmes syncopés et brusques embardées, entre « poum poum taaa!! » et incrustes électro ne devant rien à la normalité. C’est lo-fi et sans faille, c’est unique et ça n’a rien à voir avec Arsenik. Ca me rappelle, c’est dire si Jogging est bon, Double Nelson. Et ça sonne! Tricks en or joue une électro aux gimmicks forts, aux textes-prétextes…à dévier. On s’emballe pour…très vite torcher le morceau. (Je veux bien) ne fait que s’excuser, il le fait avec insistance, voire redondance, et finit par nous gagner. Sans queue ni tête (quoique…), la planète Jogging a pourtant du sens puisque à chaque sortie ce sera un pan de l’univers du groupe qui nous sera présenté.
Ce job, pour l’instant, souffle un jazz joueur. Normal, Jogging aime à s’amuser. En déchantant, il nous enchante. (Sentiments), à la fin ou presque du disque, se fait lui aussi un brin jazzy, mais jamais dans la convenance. Batterie déréglée (logique car ici, la règle n’a pas lieu d’être), claviers patraques; le morceau claudique, piétine, groove comme il peut. Et pourtant, ça prend. un « OK, fin! » assez détonnant lui met…fin. Enfin, c’est l’asséné Je suis pour (nous aussi, alors..), galopant puis breakant, aux mots « sociologiques » dignes d’intérêt, qui tire la dernière cartouche. Entre funk déraisonné et électro qui bastonne, noise façon Jogging, la boucle (de synthé) est bouclée. On est pour, Jogging vient de nous imposer une course dans laquelle on ne lui lâchera pas les baskets, aguiché et embobiné qu’on est par ce projet à part. Dans l’attente, bien entendu, d’autres Petits tas amassés dans une pertinence décousue.