Bretons, Guingampais plus précisément comme le sont leurs collègues The Craftmen Club, les 4 esthètes-renégats (avec un tel nom, on en doutera peu) de Thomas Howard Memorial sortent avec ce Bonaventura, marqué par l’influence d’un Pink Floyd en termes d’ambiances et de textures sonores, leur 2ème album. Après 2 ep’s et son In lake qui date, déjà, de 2014, le quatuor formé de Yann OLLIVIER: Voice, guitar |Elouan JEGAT: Guitar, keyboards, voice |Vincent ROUDAUT: Bass guitar, keyboards, et Thomas KERBRAT: Drum, confirme. Au beau milieu de ses plages sirupeuses en apparence, mais fortes d’un pouvoir d’évocation sonore et émotionnel de taille, il incruste ses mornifles soniques et déploie une classe qui l’amène à tutoyer le rang des plus grands. On en prend déjà plein les sens avec ce Tunnel introductif noir, presque drone, qui soudain débouche sur une envolée à la Radiohead, subtile. Le cheminement emprunté donne déjà une idée de l’esprit qui anime le groupe; à la fois précis et aventureux, brut et beau, il délivre ensuite Let it glow, tranquille exercice à la feutrine pop-prog maîtrisée, construite avec flamme. Et que des roulements de batterie, comme pour induire une fois encore l’idée de tension en filigrane, animent jusqu’à le faire complètement décoller, sous le joug de riffs drus.
On l’entend, c’est flagrant; dans ce groupe, on fait dans l’esthétique à la fougue parcimonieuse. Et ça prend car le disque, écouté à volume poussé, renvoie une foule de petits détails sonores malins. Revolution et son chant vicié est une merveille, dont ressort l’esprit d’un Deus. On boit, à lampées non modérées, l’élixir entièrement « maison » de THM, séduisant jusqu’à son patronyme encanaillé. Storm, qui suit, passe lui aussi par des climats Floydiens. On n’est aucunement dans la redite; Thomas Howard Memorial élabore ses propres bases, support à l’édification de pièces qui nous en donnent pour notre argent.
The way laisse perler la même élégance, on en viendrait presque à s’en lasser si elle n’était pas aussi attractive et si dans celle-ci, le combo n’avait pas l’idée, louable, de placer des notes au nerf à fleur de corde. Feel alright en appelle à la langue française, se dénude au point de se passer de rythme. Pur et beau, sensible et sincère, il fait toutefois retomber la pression. Mais John, plus pénétrant, la remet en selle. Gris et sous-tendu, il valorise par ses aspects sombres les élans doucereux du groupe. Dans le même temps, il en étend le champ. D’action, de persuasion. Alors que The call, à l’étoffe amicale, fait reluire les voix. Plaisant, aussi, sur son superbe digipack, Bonaventura s’envole sur Irma’s death toll. Il reste dans les hauteurs d’un ciel dégagé, sans heurts. L’implosion commence à se raréfier, restons cependant patients; elle rode, attendant son heure, aux détours de tel ou tel morceau.
Ainsi The new told lies, s’il prend son élan sans rugir, laisse présager d’une embardée. Elle point, survient, se veut toutefois bridée. La pureté du propos prend le relais, décisive. Clint, qui en fait usage avec autant de brio, se pare d’un fond grisé. C’est avec l’éponyme Bonaventura, aux huit minutes « et des poussières » plus clairement tourmentées, qu’Ollivier et consorts alternent, sur un ton évidemment libre, limpidité troublée et déchirures orageuses. Dans ce registre, ils ont peu d’égaux. Le tout sans…ego aucun, avec comme arme première le « béguin » pour ce qu’ils produisent (notons qu’ils y sont aidés, ici, par Christophe Chavanon). Leur Out final, encore plus tumultueux, surprend en outre génialement. Parce que contrairement à beaucoup d’autres groupes, il voit ses géniteurs boucler leur épopée sur une note déviante, sonique. Et que d’autre part, il laisse libre cours à l’errance sonore de THM, signataire pour l’occasion d’un disque bluffant.
Photo du groupe: Rod MAURICE.