Précurseur de la musique industrielle en France avec son projet Heldon, Richard Pinhas voit ce dernier réédité par le label allemand Bureau B. Trois albums revoient donc le jour, pour la première fois, en CD et LP. Interface, 6ème d’une bordée de 7 sorties, en fait partie et bénéficie pour le coup d’un reliftage réussi, tout en conservant bien entendu sa totale singularité. Aidé de ses 2 acolytes, le batteur François Auger et Patrick Gauthier aux machines (synth/Moog), le légendaire musicien crée en effet une musique unique; Les soucoupes volantes vertes, rien que par son intitulé, insinue l’idée d’un contenu mutant, avant-gardiste…et c’est le cas! Salve électro-funk indus dans sa réitération, littéralement entêtant, ce début dénote, et ravira les initiés, à une époque où ce type de son était encore rare, voire inexistant.
L’idée est donc judicieuse, la ressortie passionnante. On se rend de plus compte que comparé aux sorties décalées récentes, Interface est loin de faire pale figure. Ses sons acides, ses abords kraut, ses effluves psyché (Jet girl et ses presque 10 minutes folles) en font un must, tiré à l’époque en exemplaires très limités. Décliné en 6 pièces majeures à ne pas mettre entre les mains des mineurs, sous peine de dommages mentaux irréversibles quoique bienfaisants, il envoie du son cosmique, funky et cinglé, génial…d’ingéniosité, sur Le retour des soucoupes volantes.
Immersif, loufoque (Bal-à-fou), il plonge sur le titre mentionné dans des abîmes de claire noirceur. Sonorités luminescentes, enrobage indus ténébreux; l’opposition, auquel Pinhas et ses hommes de main ajoutent des éléments dansants et déracinants, est porteuse et splendide. On est en 77, année punk s’il en est, et Heldon en prend le parfait contrepied avec ses essais aventureux, psycho-actifs, étonnamment novateurs. Le fils des soucoupes volantes (vertes), aux guitares simultanément cosmiques, bluesy et bruitistes, émerveille lui aussi les écoutilles. On ne s’en remettra pas.
Il s’agit là d’une véritable expérience, même aujourd’hui. Le talent d’Heldon enfante un disque intemporel, qui traversera le temps comme ses morceaux traversent les cieux. L’éponyme Interface, sur près de 20 minutes, nous y emmène d’ailleurs sans coup férir. Spatial, déroutant, balafré par des claviers loquaces et des guitares indomptables, marqué par une cadence vive, c’est l’ultime édifice inébranlable d’un Interface dont la (re)découverte , plus de 30 ans après sa sortie, fera le bonheur de tout adepte de musique industrielle aux influences plurielles, ici magistralement jouée.