A traîner sur les sites des labels qu’on aime, on court un merveilleux risque; découvrir! C’est ainsi qu’en errant sur le Bandcamp d’Unknown Pleasures Records, je fus attiré par un nom (Larme Blanche), un visuel (cf la pochette du disque honoré par ces lignes), une définition (« military pop »). Ethique cold d’Unknown Pleasures Records aidant, je pressentis le beau butin. Bingo! Larme Blanche, illustre inconnu si ce n’est par le son, en enchantera obscurément plus d’un avec Demain est mort qui, en plus d’afficher une belle lucidité dans son appellation comme ses textes, nous rassasie de ses vagues cold habilement synthétiques.
Si Demain est mort, autant profiter de l’aujourd’hui et avec un tel disque, celui-ci nous sera bien plus agréable. Nuptial et obscur, l’album te sert du clavier addictif (Paris la nuit, qui introduit les débats en incluant des paroles samplées qui interpellent), un chant désenchanté mais qui, paradoxalement, nous sortira de notre grisaille en nous imposant la sienne, savamment tracée. « Paris, jusqu’au bout de la nuit. Paris la nuit, tu sens la mort, le crack et l’ennui ». En révélant, Larme Blanche se révèle. Ses mots impertinents, hautement pertinents, font mouche. Ses climats, divers, ses notes, qui restent en tête, pas moins. C’est le cas de celles de 88 mph, littéralement obsédantes. « J’aime quand le kick s’affole, et quand la basse résonne », chante le parisien (sa localisation; c’est tout ce qu’on sait de lui et c’est bien assez; son disque est le meilleur des atouts, il est loin de sonner faux). On aime, nous, quand Larme Blanche récite sa poésie inconvenante, assénée à l’arme blanche issue d’une plume noire. Nibiru, avec ses « je suis… », ou encore Taiga, tellement perspicace (« Culture du vide et de l’ego-roi », « On avance, un pied dans la tombe, vers notre futur là dans les décombres « ), est un must. « Viens, avec moi, dans la Taïga! Réfugie toi, là dans mes bras… ». C’est dans le son, inspiré, qu’on trouve refuge.
L’obscurité de tes doigts, noir, suscite pourtant le désir. Serait-ce un échappatoire? L’acte en réponse au quotidien, l’idée est séduisante. Larme Blanche, une fois de plus, nous attire dans son milieu au désabusé sécurisant. Seppuku, qui m’évoque évidemment Taxi Girl, serait-il un clin d’oeil à peine déguisé à Darc et son oeuvre? Génial, c’est en tout cas dans le texte et dans le son un véritable délice de noirceur. Les refrains-coup de poing, chez Larme Blanche, sont légion. Overdose d’Epicure, lent et poignant, voit le sax free et langoureux de Quentin Dubarry orner ses lettres de superbe manière.
Le bout du tunnel salvateur arrive, Demain est mort incluant au final 9 titres sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter. Assez! rappelle celui des Thugs par la révolte à laquelle il appelle. Paris, ville d’histoire(s), est mis à mal pour notre plus grand bien auditif. Et sensoriel. Le mal est fait, Demain est mort mais ses bruits nous ravivent. Quand bien même c’est Le dernier soupir, au récit noir, qui porte le dernier coup de pinceau à l’ouvrage. Il le fait sur un ton inédit, nourri de références historiques dénonciatrices, et achève, si je puis dire, un premier album excellentissime. Il a de plus la bonne idée de s’agiter en sa fin, claviers et chants mécaniques insufflant une dynamique nouvelle à la terminaison du vinyl. « Au fond de la tombe », répète la toute fin de l’effort; on ne s’est jamais senti, malgré l’allusion lugubre de la sentence, aussi vivants qu’en écoutant ce disque.