4ème album d’ARLT, Soleil enculé met en scène le trio actuellement en place, soit Eloïse Decazes : voix, concertina, magnétophone cassette, petit orgue à soufflerie; Sing Sing : guitare, voix, et Mocke : guitare, effets. Rejoints, si j’ai bien saisi car avec ceux-là il faut suivre, tant dans la constitution du groupe que dans le bazar sonore qu’ils étalent sur leur disque, par Ernest Bergez (Sourdure, Kaumwald, Orgue Agnès) à la réalisation et Clément Vercelletto (Kaumwald, Orgue Agnès) aux percussions, cuivres, vent, divagations électroniques. Tout un programme! Si le Soleil est affublé d’un qualificatif peu flatteur, le rendu, lui, ne permettra jamais à l’auditeur d’y trouver sa zone de confort. Ou alors, de manière sporadique.
Car on y joue, avec les mots comme avec les instruments, variés, en divaguant à l’envi. On y déploie une certaine élégance (Les fleurs), on use d’oxymores pas piqués des vers (« …tout l’monde était mort et tout l’monde s’en portait bien.. » sur l’ouverture, nommée avec génie Les commencements). On dérape soniquement aussi (le déviant L’instant même, qui renvoie à l’idée d’improvisation, de jeu à l’instinct); tant mieux, ça dézingue ces trames folk élégantes qui m’ennuient parfois (La violence est rose, qui m’irrite donc mais me plait aussi beaucoup ne serait-ce que par son intitulé « oxymorisant » et ses sonorités ornementales pas si polies que ça; comme quoi une écoute poussée peut changer la perception d’un morceau, voire d’un disque dans son entièreté).
Je commence presque à m’y sentir bien, dans ce Soleil enculé aux rayons plutôt chaleureux. L’angine développe malheureusement pour moi, à ce moment-là, une suite tranquille. C’est beau, ça ne fait pas l’ombre d’un doute, mais je préfère Arlt, de façon très nette, quand il bifurque. Ainsi Le ciel est tarte, plus excentrique, plus joueur et souillé, me convient bien mieux. Il faut dire qu’avec le nombre d’intervenants conviés au bal (on y trouve même Bertrand Belin, qui violonise sur sur « La violence est rose », « Les fleurs » et « Soleil enculé »), et compte tenu de l’éventail d’outils utilisés, Arlt aurait tort de proposer un bricolage façon Ikea. Ici, le tissage est beaucoup plus artisanal et ça réussit au collectif. Ca le singularise, même.
Je commence, par le biais de ces essais dépenaillés, à mieux intégrer les plages posées d’Arlt, telle Les fleurs dont la fin commence à prendre un chemin de traverse sonore selon moi trop bref. J’aurais aimé le voir glisser jusqu’à complètement chuter, percuter la glissière et quitter la piste. Quand le soir tombe, après un début lyrique, propose des brèches échevelées. Courtes, elles lézardent -trop peu- des réalisations dont l’écoute insistante pourrait tout de même finir par rallier l’auditoire, dont je suis, à la cause de ces doux excentriques. Je préférerais juste, ce qui n’engage que moi, que la transgression soit plus fréquente et plus poussée.
En ce sens, l’éponyme Soleil enculé m’apporte satisfaction. Un brin « noisy », il assied l’identité d’Arlt, qui à mon avis s’affirme dans les postures décalées du groupe. Faire joli est bien, trouver une voie complètement singulière en conservant cette joliesse, c’est « encore mieux ». Je suivrai donc plus volontiers le collectif dans ses pas de coté, magnifiquement amenés, que lorsqu’il s’en tient à des thèmes sages. Quand bien même la réécoute fréquente de l’Objet-Disque dépeint ici -Soleil enculé faisant manifestement partie de ces albums qu’il faut « aller chercher »- m’amène insidieusement à fredonner les ritournelles les moins farouches du groupe, à l’attraction textuelle inhabituelle.