Lyonnais, Tisiphone a déjà sorti quelques maquettes, puis un premier opus en 2016. Il joue d’après ses dires un « cold rock tribal mystique » et après les promesses du premier long jet, délivre ce Koma forte aux six titres assez signifiants pour qu’on les prenne en considération. Clara, Suzanne et Léonard, variables dans les humeurs qu’ils dégagent, s’appuient sur celles-ci pour, de suite, unir des voix contradictoires mais complémentaires, installer un chant qui rappelle la narration d’un Michel Cloup, et imposer un rock d’obédience noise, où les cris féminins insufflent de la folie (Heureux je suis). Heureux on est, par conséquent, si on aime la zik qu’est pas faite pour le fric (ou juste un peu, sans y perdre en passion et en intégrité). On demande cependant confirmation; Nasty kids, à la The XX dans son minimalisme, aborde ensuite des terres moins en nerfs, plus portées vers les climats. La qualité, elle, perdure. L’abord est trip-hop, le fond doux et gentiment animé, sous l’impulsion d’un rythme effacé et de motifs modérés. La fin du morceau, obsédante (« Je dis c’que j’fais, je fais c’que j’dis« , peu le font au final) et plus griffue que le début, marque son homme.
Nul besoin d’en faire des tonnes, les idées estimables suffisent. Un coup d’oeil aux labels impliqués m’amène à me dire qu’il est sûr que ce groupe rhodanien fait partie des « vrais ». Il ne surjoue pas, il joue et déjoue pour mieux nous enjouer.
Se pointe alors Atomic tissue (Paulin), trésor post-punk aux claviers hallucinés. Chant féminin mutin, rythme sec et sans vergogne, guitares bourrues mettent le souk. La cadence emballe la danse, la basse ponctue le bousin de ses notes marquantes. Avec Exil, on renoue avec des textes narrés, couplés à un rock sans appartenance tangible, de choix en tout cas. Je songe, un peu, à Gang of Four pour le groove qu’on y trouve. Multi-instrumentistes, les trois comparses (ré)affichent des vertus qui, on l’espère, ne seront pas tues. Bully, un peu spatial dans le chant, renvoie des notes tribales, des synthés perdus dans la brume. C’est psyché aussi, ça se range pas. Ca s’écoute, en revanche, sans le moindre déplaisir. On ne décroche donc en aucun cas.
L’exploration se prolonge sur de longues minutes, on ne s’y perd pourtant pas. On arrive pourtant à la fin de l’EP, au format proche d’un album. Rageux, plutôt..rageur, balourde alors un synth-punk-cold aux guitares tranchantes et claviers froids. Un must du genre, au sein duquel les lignes vocales, associées, bifurquent et insufflent encore une fois de l’insoumis. On breake alors de manière tordue, floue et céleste. On remet alors les gaz et l’ultime jet sauvage de Koma forte nous botte les fesses, en même temps qu’il sert de butoir à une formation qui mérite incontestablement bien des égards.
Photo David Boyer.