Duo de France, duo de déviance et d’excellence, Lèche Moi fait cohabiter, harmonieusement dans le processus créatif, de façon plus « dis-harmonique » dans le rendu, une grande blonde à la voix veloutée et puissante, un dégarni à la voix grave et une foule d’idées déterminantes, émises par 2 déterminés. A6, leur 2ème sortie, constitue un génial fourre tout de ces illuminations. Il peut prendre la forme d’une trouée cosmico-sonique (A monkey on my back), dont émaneraient le chant fou d’un Tom Waits et les sons aussi dérangés des Young Gods. Mais ça, ce n’est qu’une partie de ce que la paire peut faire. Avec dextérité, elle s’essaye à un rock électro dont on note au rouge les sons d’étayage, déjà énormes, et la force de frappe (Cold night). Tiens, Quentin Rollet y intervient au saxo; avec expérience, il rend le bazar dépaysant. Red, qui a à son actif une brouette d’albums personnels, tient la guitare.
Non content d’être plus que bon sans eux, Lèche Moi invite des gens qui font le boulot, et même mieux. Burned, cold et incandescent, entérine l’importance du trip instauré par le gars et la fille, qui y chantent de pair en mariant leur voix dans une lancinante gravité. Je suis déjà, à l’issue de ces morceaux, dans le jus de leur rock wild. Rage, voyage électronique aux traits rock percutants que « colorent » les chants, leste et fervent, m’y maintient, m’y enfonce même. On m’impose alors une…balade. Mais l’essai est, derrière un ton mélancolique et une voix pure, vénéneux. Comme chez Nick Cave, vous voyez? Bon OK, il s’agit surtout, avec Lèche Moi…d’entendre.
Avec Deep, électro-indus et organes vocaux en association/opposition, motifs dingues et riffs furieux nous assaillent. On fait front car ce type d’attaque, on la reçoit avec plaisir. The letter en remet ensuite une couche, vernie, au rayon racé-fragile. Aucune lassitude à l’écoute, le disque se fait certes dans la prise de risques mais n’engendre que du délectable. L’obscurité d’un Libéra me, son enrobage aussi fin que massif, viendront à bout des plus résistants. Puis le préventif Irrécupérable, aux fréquences électro juste trop bonnes, les gagnera complètement. Il est, lui, largement récupérable.
Ouvert et véritable, A6 mérite un 10. All is all, avec d’autres « guests » dont un accordéon qui vient errer et dissonner au service du titre livré, barré dans les voix, hurlé, psyché, bruitiste, prolongé dans sa durée, est une vraie pièce maîtresse. L’investigation du groupe y atteint son paroxysme, en termes de résultat comme dans la folie qui le fait naître et exploser. C’est Atypeek, normal qu’ils y soient de ce fait signés. Ils paraphent d’ailleurs, de leurs instruments jamais très sages, une ultime salve répondant au nom de Partir pour ne plus revenir (je suppose que l’intitulé, on le souhaite même, n’est pas prémonitoire). Courte, il s’agit d’une divagation sonore répétée, cosmique, qui met donc une touche finale à l’album, captivant en tous points et qui voit ses penseurs, pour le coup, marquer de nombreux points.