Terrain d’expérimentation (poussée) de Pénélope Michel et Nico Devos de Cercueil, Puce Moment est un peu le projet de tous les possibles. Ces deux-là, en effet, osent et font note de tout objet, peu soucieux du qu’en dira t-on. Et cette fois, ils se sont inspirés d’un lieu qu’ils investissent depuis l’adolescence (un cabaret de village pittoresque et par conséquent très précieux: le Café des Orgues d’Herzeele, où siègent 4 ORGUES LIMONAIRES MORTIER), pour faire usage de ces pièces majestueuses et ainsi enfanter un opus singulier, dont émanent des ambiances de fête foraine à l’ancienne et de BO de films pas moins datés (du moins est-ce, au fil des écoutes, mon ressenti). Parce que Nico et Pénélope, dans l’édification d’ambiances qui se démarquent, ils se posent un peu là, dirai-je. J’en veux pour preuve ce « O.R.G. » à la répétition tellement vivante qu’on a la sensation, à l’écoute, qu’on l’emportera avec nous au terme de l’audition. Alors que certains, émoussés par ces 5 formats dans lesquels il faut « entrer », relèveront le saphir.
On ne leur en voudra pas, il est vrai qu’il faut s’en imprégner, de ce O.R.G. où les ORGS s’acoquinent avec la musique actuelle (Steenvoorde), jouant des motifs prenants et imposant des trames tout sauf figées. Pitgam, qui prend la tête de la série ainsi créée, sortant d’emblée les dits instruments de leur zone de confort. Ohlala mazette, j’aurais mis des voix là d’dans, me dis-je alors. Histoire d’étayer une démarche déjà saisissante, de lui donner une envergure plus poussée encore. Le chant de Pénélope, à l’attrait certain, aurait fait l’affaire. Mais les pièces instrumentales, aux sons qui chopent les sens, font sens.
Je me rends alors compte que je n’ai pas eu le temps, pris par le temps, de me pencher plus en avant sur les oeuvres de Puce Moment. Celle-ci me permet de combler, partiellement, l’erreur. En plus de donner un aperçu fidèle de l’esprit qui anime les Nordistes, il s’agit d’un pont musical ingénieux entre l’hier et le maintenant. Adinkerke, rythmé, spatial, donne aux orgues une dimension psyché qui me pousse à redécouvrir, moi qui la fuyais quelque peu, la musique « réitérée ». Enregistré par Adrien Michel au Café des Orgues même, le contenu fut l’objet d’une première diffusion par Puce Moment lors du festival Viva la Danse d’Armentières, le 27 janvier 2019.
On peut, comme dit plus haut, décrocher. Le Esquelbeck terminal, s’il obsède et hypnotise par sa répétition marquée, pourrait lasser. Mais il est important, face à ce type d’ouvrage, de rester en phase. D’y revenir, de le laisser nous gagner. Si tel n’est pas le cas, on a parfaitement le droit de plier bagages. Mais si l’effet se fait, si O.R.G. nous désORGanise, alors le voyage est définitif. Herzeele, hommage non dissimulé au lieu déclencheur, l’illustre bien. L’effort, à l’instar par exemple du Ad noctum qui le précède dans les réalisations du groupe, mérite d’être investi quel que soit le verdict final de l’auditeur.