Tout de Suite, c’est du n’importe quoi seulement apparent, basé sur une dérision pas si dérisoire. C’est du second degré assumé, porteur car en plus de faire rire, ou de choquer pour une autre frange du public qui y prêtera l’oreille, il débouche ici sur un album varié, léger et plutôt singulier. Je ne croyais plus à l’amour (« Ca tombe bien, t’es pas le seul »; ça, c’est moi qui l’ajoute), décliné en 16 pièces d’une électro-pop à l’humour salace ou déviant, fait son effet, comme le décrivent par exemple les paroles de Baise-moi ou Sodomie.
Le ton est donné; c’est souvent rythmé (comme l’amour mais bon, on n’y croi(yai)t plus alors à quoi bon?). Ca se calme, parfois, dans la cadence mais pas dans les termes. Ca fait danser, ça fera chanter aussi car les paroles, en plus du délire général, livrent des refrains « savoureux ». La simplicité des sons est un atout, le groove musical aussi. On peut déconner et rester intéressant; Tout de suite le prouve…sans tarder. On se laisse facilement aller à ses comptines espiègles, comme on pourrait les rejeter sans rémission. Mais on aime, avant tout, la dérision digne d’intérêt d’un Bouzin et de bien d’autres compos qui le suivent. Portées par des volutes de synthés qu’on remarque, celles-ci finissent par vous rester dans l’crâne.
C’est, aussi et surtout, le décalé généré par Tout de suite qui fait la différence. On met, en plus, un peu de guitares efficaces (Gardnerella vaginalis) dans la rondelle (hum..) signée par le duo. Ca fait pas d’mal, ça s’accorde bien avec les claviers qui, la plupart du temps, tissent des trames alertes (Te rencontrer). On use de décibels sexuels, on raconte du vrai sous un ton amusé. Tout de suite peut faire dans le dénudé (ça lui ressemble bien) sur Bout d’étoffe (y tiendra pas très longtemps, le tissu; ça, c’est encore moi qui rajoute), accélérer (logique) sur Verge, sivant une dualité vocale en va et vient qui elle aussi lui sied. Meilleur coup ne s’écarte pas de son registre et dévie allègrement dans le mot. D’un seul coup (ok je sors) je pense à Schlaasss, vu récemment à l’Ouvre-Boite de Beauvais, pour le délire « qui prend bien » (ce n’est pas un jeu de mots).
On s’ennuie pas, on joue avec les mots, on invente des expressions, on navigue à vue sur le plan musical. Presque trip-hop sur Machin machin, plus à nu (ben oui) avec Cancer, il pulse ensuite sur Vierge (tu parles). Les rimes, encore une fois, prennent le chemin de l’entrejambe. On reste dans une énergie polissonne, qui sonne, avec Partouze. C’est un peu l’orgie, mon ami. Ces deux trublions s’entendent comme larrons en foire (pour rester poli). C’est Love me, à la fois psyché et entêtant, vivace et tubesque, qui met le dernier coup d’tromblon. Là où certains concluent avec faiblesse, ou en baissant la garde, Tout de Suite insuffle une vigueur approuvée. Fou mais aussi inspiré, il passe à l’acte (elle était facile…) avec adresse. Après ce morceau final, les secondes s’égrènent et on a droit à un bonus où perce la folie d’un Rita Mitsouko. A moins que ça ne soit moi qui, émoustillé par la réédition des oeuvres du duo Chichin–Ringer, les entende au détour de telle ou telle chanson.
On s’en fout (ohlala, on fait à nouveau dans le facile…) un peu, au final; Tout de Suite vient de nous entraîner dans ses galipettes et on l’y suivra d’une note à l’autre de ce disque osé et probant dans ce qu’il renvoie.