Electro-punk, dark spoken words, ai-je lu au sujet d’ÙØ, duo franco-islandais et féminin-masculin ayant déjà eu l’honneur d’une bafouille, ici, pour son 1er EP nommé fckff et paru en 2017. Il y étalait déjà un style singulier, enragé, mis en valeur par des sons et ambiances qu’on aura pris en compte. Ils jouent masqués mais ils démasquent. Le monde, pourri, et surtout leur son, bien moins terne bien que justifiant tout à fait l’appellation « dark ».
Avec Utopies ordinaires, c’est donc une belle couche d’électro sombre qui nous est servie et qui permet à Elise Aur & Einar Gustafsson d’asseoir, avec vertu, un genre qui diffère. Avec Røad, introduction qui sans tarder convoque les trames du premier EP, il assène rythme et mots, s’entoure de synthés qui toucheraient presque à la new-wave. Le sillon, habilement labouré, plaira à ceux qui se refusent à intégrer la règle. A la fois rêveur et enlevé, l’essai de départ laisse à penser que ÙØ, capable, va à nouveau nous faire du bien aux sens. Høst hausse la cadence, balourde du cold; Elise y relance sa narration « captivintrigante ». Les sons, c’est fréquent chez nos 2 amis venus du froid, sont bien trop bons. Ces 2 là, entre tempo vif et breaks brefs, nous rappellent aussi qu’ils savent composer, en plus de signer des textes sur lesquels on ne tombe pas en toute occasion.
On expérimente, au sein du créneau électro-cold, avec un sacré savoir-faire. Fùrrøw et ses « Obsessionnelle, compulsive », ses synthés aussi chaleureux que la neige, son rythme à nouveau vif, assurent une transition parfaite vers la presque fin de l’objet…obsessionnel et compulsif. ÙØ, c’est désormais une certitude, possède sa propre vêture sonore. Jamais banal, que ce soit dans le mot comme dans l’étayage, il place ses pions et confirme ses dispositions. Que Rødeø, ironique, percutant, doté d’un groove cold ensorcelant, fait éclater. L’inventivité du groupe, pour le coup et à tous les coups, est au sommet.
Cølørs, tout aussi appuyé, finit l’ouvrage en laissant entrevoir des atours comme de coutume glacés. Ceux-ci conviennent à merveille aux ressortissants de Reykjavik, dont l’univers décalé trouve avec Utopies ordinaires, dénué d’utopie et gavé à la vérité, un support de choix, de haute volée même. Qui, en plus de tourner le dos au tout mâché, a pour mérite d’inventer un style nouveau, personnel de bout en bout, qui devrait lui valoir les honneurs et le faire connaitre, et reconnaître, dans les contrées réfrigérées comme dans les recoins plus tempérés.