Attention, collision!, devrait-on se dire en découvrant Viktor & the Haters, qui unit Viktor et ses syllabes flingueuses à Cyrille Sudraud (Hushpuppies) et Maître Madj (Assassin), rejoint également en studio par Ossama, le guitariste Yan Péchin (Bashung–Miossec–Fontaine), Etienne Nicolas (Cheveu), JM (No Money Kids) ou encore Dj Moktarr. Collision, télescopage même, entre verbe hip-hop, pouls électro et riffs rock, la rage chevillée aux mots. On est chez les Haters, pas chez les bisounours et ici, ça brûle comme l’annonce la fin du titre introductif, le retentissant…Ici ça brûle, justement.
En symbiose à la rime, et au riff, dévastateurs et sans fard, Viktor et ses malfrats du son, uniques, balancent une ribambelle de titres uppercuts, que N’être qu’une main et ses sonorités électro, sa cadence rap marquée, entérinent. On n’est pas là pour faire dans la complaisance, le contenu ne s’adressera pas aux rangés, rageur et insoumis qu’il est. Ou plutôt si; il leur administrera la mornifle, monumentale, qu’ils méritent. La clique parisienne a de plus l’art de varier les tempos, les sons également, tout en maniant avec aisance le mot qui assomme. L’album, intitulé Black out (I), fera sans nul doute partie des sorties à part, intègres, destinées aux initiés et plus généralement à tous ceux qui, ayant pris conscience de l’hypocrisie sociétale ambiante, y trouveront un bel exutoire. On s’y montre parfois direct, dans la syntaxe, mais le procédé est efficient et permet l’expression, sans courbettes, d’une amertume que le son de Viktor & the Haters retranscrit sans dégringoler, sans trop rigoler non plus d’ailleurs. Une vie de loup, par son titre puis en usant de bruits sombres, illustrant bien l’attitude vraie, colérique, du groupe aux membres décidément en verve.
Le groove appuyé de…Collision, tiens, où Viktor dénonce allègrement, fait mouche. Le disque est uni, cimenté par la révolte, nourri par une grammaire verbale et sonore ajustée. Le refrain, plus que pertinent dans son impertinence, est de ceux qu’on chantera dans les moments de courroux. Derrière, ça ferraille comme il se doit et le constat s’impose: on a à faire, pour le coup, à du vrai. Jamais là où on l’attend, Viktor & the Haters laisse derrière lui un ouvrage fait de rage et loin d’être sage, qui crache un venin adressé à la « bien-pensance ». Il sait aussi se nuancer, alléger le propos ou plutôt l’étayage (l’éponyme Black out) bien que celui-ci demeure menaçant. Il s’emballe d’ailleurs sans trop tarder, en phase avec un discours gris…et grisant.
Plus loin, les riffs de Bitch et son côté leste charpentent un genre crédible, tout comme J’dois être guedin. Sans fioritures, le mot de Viktor va droit dans le mur, qu’il ne craint pas. Réel et lucide, loin d’être « guedin », il frappe juste et fort. C’est de la poésie forcenée, gavée à la vérité. Amalgamé avec adresse, Black out (I) tire, de manière déliée/viciée parfois (Sous le même jour), des balles à l’attention des trous d’balle, pullulants, aux leçons de morale immorales et irrecevables, qui nous entourent. Son ultime tir, appelé Vive le fuck!!! et plutôt alerte, lui permettra de se distinguer une nouvelle et dernière fois, crédibilisé par son punk-rap mâtiné de rock et d’électro, et de nous léguer un opus aux airs de parfait outil de révolte.