Hautement actif, pour les jeunes pousses et pas seulement, décisif quant à la vie musicale du secteur, Cité Carter et ses locaux souterrains accueillait ce samedi l’une des dates du Festival Haute Fréquence, amputé pour le coup de la présence de Flèche Love, souffrante. Après une Witches Week bien menée, vouée aux Femmes et au respect qui leur est du, c’était l’occasion, rêvée, de consacrer une semaine plus qu’accomplie et Sandra Nkaké, remplaçant au pied levé et en dernière minute l’invitée de départ, nous a sans manières et avec générosité livré un concert splendide.
C’était d’ailleurs le local, aussi émergent (Manopolo) qu’en voie de confirmation (Louiz’) ou confirmé (Sandra Nkaké) et intelligemment révolté, qui était à l’honneur. On approuvera l’idée et c’est dans un premier temps Manopolo, duo aux influences diverses (j’y décèlerai, avant tout, jazz, soul, hip-hop et électro mais cela ne peut suffire à situer la paire picarde), qui va charmer son public, qualité du métissage et complicité scénique aidant. Climats feutrés, voix racées et touches de saxo aidant, Manopolo n’en est qu’à ses débuts et malgré ça, ce qu’il propose est déjà attractif à souhait. Les hourras sont nourris, l’ovation est méritée. Les 2 acolytes s’étreignent à leur sortie de scène, le geste est émouvant et traduit une satisfaction doublée de sincérité qui mérite qu’à l’avenir, on se penche sur le cas de ce groupe talentueux.
Belle « inauguration » donc, alors que se profile le « pire » moment des lives; l’attente. Heureusement, Louiz’ et sa contestation réfléchie et assumée vont l’agrémenter. Là où d’autres se taisent, l’amienoise dit les choses, provoque de manière à susciter la réflexion, et démontre un certain charisme pour, au final, rallier elle aussi la majeure partie l’assistance à sa prise de position, sans jeu de mot douteux lié à sa verve. Musicalement, le rendu est prévisible mais la prestation dégage du relief. La présence s’est étoffée, l’approche aussi et à l’instar de Manopolo, Louiz’ mérite d’être suivie, et épaulée, dans son cheminement à la fois direct, nuancé et humoristique.
L’expectative est alors à son terme. Ayant suivi une partie des balances de Sandra Nkaké, l’ayant aussi vue quelques mois auparavant à l’espace Saint André d’Abbeville, je pressens quelque chose de fort. Jî Dru et sa flûte voyageuse sont de la partie, un solide combo étaye la Dame, pour le moins en vue. On prend en pleine face, c’est le moins que l’on puisse dire, un live magistral, nourri autant par une subtilité jazz que par des élans rock bien balancés ou des paysages pop enchanteurs. Emotion et vérité, discours là aussi « opposant » et fédérateur, beauté des voix et majesté instrumentale font loi. Sandra et son compagnon-complice Jî (notons au passage l’excellence totale du dernier opus de celui-ci, Western) font sensation, à vrai dire ils retournent la salle et c’est un groupe au groove palpitant qui, ce soir, fait renaître l’espoir. L’heure est au partage, sonore et humain, entre Sandra et ses fidèles.
Entre le velouté de Tangerine mon wishes et l’attaque plus franche d’un Nothing for granted, le groupe parvient à une posture juste, et frappe fort tant sur le plan sonique que dans la diversité stylistique. Il scintille et embarque Cité Carter avec lui dans son embardée encanaillée. C’est le bonheur, la communion. Tu en es tout juste à ton vendredi soir et déjà, tu as ta dose -d’euphorie, d’espoir retrouvé- pour le week-end et plus encore. Ca danse, ça crie et l’espace d’un live, on oublie qu’au dehors, il nous faut affronter la fausseté des uns et des autres. Ici l’unité est de rigueur, on sortira de l’endroit complètement à l’envers et pourtant comblé, heureux d’avoir pu vivre -c’est le mot- un moment tout simplement remarquable.
Photos William Dumont.