Projet électro/hip-hop, comme précisé dans un article portant sur une sortie précédente, de Francesco Virgilio qu’assiste ici Margeaux Lampley au chant, superbe, sur Put your hands in the dirt, sort avec Machines & soul un disque aux huit titres dotés d’un sacré pouvoir d’attraction. S’il se prétend issu de la mouvance citée plus haut, Mokroïé dépasse ce cadre, invente, et tire sur l’auditoire des flèches électroïdes décisives et ce, même dans le format instrumental (Disoriented, vif et sombre).
La voix de la collaboratrice embellit, elle, un opus où les genres cohabitent, où, aussi, les ambiances lorgnent côté trip-hop pour nous envoûter (l’excellent We can make it fit en ouverture). A l’organe vocal tout-terrain d’Allonymous, déjà sollicité auparavant, se greffe une palette ingénieuse de climats, et de sons, qui diversifient l’effort de Virgilio. C’est le cas sur l’électro-cold de With these thoughts, alerte. Chants susurrés ou plus enlevés, claviers aux nappes obscurcies et thèmes sonores bien trouvés apportent un crédit certain, les voix associées font merveille (Guns bless America). Le refrain de ce dernier, pour le moins expressif, aussi léger que tragique dans ce à quoi il renvoie, fera fredonner.
Déjà séduit, on en arrive ensuite à Put your hands in the dirt. Lampley répond à Allonymous, ça crée une dynamique vocale ensorcelante que l’étoffe musicale « again and again » fertile et grisée, dansante aussi, épaule merveilleusement. Tout en changeant à l’envi le caractère de ses atmosphères, Mokroïé s’en tient finalement à une certaine simplicité, ce qui lui évite de perdre en intérêt dans des détours trop tortueux. Doté d’idées brillantes, il m’évoque Archive ou Massive Attack pour son approche vocale et ses décors sonores, mais aussi pour sa capacité à élaborer des édifices prenants, au clair (parfois)-obscur (souvent) saisissant. La comparaison, née de l’écoute, donnera une idée assez nette de la qualité affichée sur Machines & soul.
En tant qu’auditeur, on n’a alors qu’à se laisser porter, à s’investir dans l’exploration d’un album dont même l’intitulé, Machines & soul, révèle l’esprit. A l’aide de machines, mais aussi de voix et d’une foutue dose dé vérité dans l’attitude, Mokroïé tutoie les sphères en termes de rendu. Il use de sons détournés, tisse des plans absorbants, et met de l’énergie, de l’émotion aussi évidemment, dans ses créations. Un second instrumental, Mineral landscape, le voit exceller, derechef, dans la construction, patiente et pensée, de milieux attirants. Qu’ils soient dotés de chant ou non, qu’ils soient faits de noirceur, comme c’est le cas ici, et/ou d’instants plus clairs.
En fin de « traversée », une version Soft minimal vocal mix de Put your hands in the dirt, où Lampley se distingue comme on pouvait s’y attendre, met un terme, dans une élégance racée/acidulée, à la tâche extrêmement concluante de Mokroïé. Le duo vocal de fin, somptueux, sur lit de sons triturés, dévoilant d’ailleurs une issue de toute beauté.